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avait décidé avant les événemens de Pologne cette course à Vienne ; entré de plein cœur dans le mouvement constitutionnel où l’Autriche se régénère, il était bien aise d’assister aux fêtes qui vont être célébrées à Vienne en l’honneur de la constitution. C’est possible, mais le public ne nous paraît pas déraisonnable lorsqu’il suppose que M. de Metternich aura bien des choses à dire à Vienne de vive voix touchant la question de Pologne. Le prince de Reuss, de la légation prussienne, se rend à Berlin : est-ce simplement pour ranimer la question du traité de commerce entre la France et le Zollverein? C’est possible encore; mais comment, dans ses entretiens avec M. de Bismark, s’abstiendrait-il de l’édifier sur l’intérêt que la France porte à la Pologne? Constatons d’ailleurs que la Russie, et c’est à nos yeux un solide motif d’espérance, est loin d’avoir opposé aux conseils des puissances occidentales une résistance décourageante. Elle n’a point répondu par un acte diplomatique; mais dans ses communications verbales elle assure qu’elle persévère dans l’intention de rendre à la Pologne des institutions constitutionnelles. Dieu fasse donc que, grâce aux lenteurs de lord Palmerston, elle ne laisse point passer l’heure où les concessions pourraient être encore faciles et profitables !

Une question financière d’une grande importance, et au point de vue de la bonne gestion des ressources publiques et au point de vue constitutionnel, s’est présentée récemment dans la discussion des crédits supplémentaires au corps législatif. Nous avons déjà touché à cette question en parlant de la récente brochure de M. Casimir Perler sur la situation financière. Le but que l’on semblait s’être proposé et que l’on devait effectivement avoir en vue dans le sénatus-consulte de 1861, qui supprima le régime des crédits extraordinaires par décret, était d’empêcher qu’il fût fait par les départemens ministériels des dépenses supérieures aux prévisions du budget et aux ressources votées par le corps législatif. On ne pouvait sans doute se dissimuler, en adoptant ce système, qu’il était impossible que dans la pratique il ne se présentât pas des circonstances où, pour faire face aux besoins imprévus, il deviendrait nécessaire de dépasser les crédits spéciaux votés au budget. On crut parer à cette éventualité, dans les cas ordinaires, par les viremens. Pour les cas extraordinaires, tels qu’une guerre inopinée, la question des crédits devait être soumise à la chambre convoquée extraordinairement. On entendait échapper de la sorte à ce régime des crédits par décret dont l’entraînement augmentait chaque année la masse du déficit. On voulait que le contrôle parlementaire s’exerçât du plus près qu’il serait possible sur la dépense, et opposât un frein énergique à l’accroissement du découvert. L’intention était des plus louables, et nous n’avons pas marchandé notre approbation au ministre qui eut l’initiative de cette réforme.

C’eût été une bonne fortune pour le nouveau régime financier que la première année de son expérimentation fût exempte de tout crédit supplémentaire : le public eût pris plus de confiance dans son efficacité, le