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des deux premières au besoin si l’Autriche devait demeurer sur le second plan, se formât vite et se manifestât dans un document commun, doivent regretter profondément cette divergence.

Sur le fond de la question, si l’on en juge par les débats du parlement, l’opinion de l’Angleterre ne différait pas de celle de la France. Les discours de lord Russell et de lord Palmerston ont même été plus sévères sans doute envers la Russie et la Prusse que n’ont pu l’être les communications diplomatiques de la France. Sans parler des incidens, de la mesure du recrutement qui a provoqué l’insurrection et de la convention militaire conclue entre la Prusse et la Russie, le sentiment des deux gouvernemens est le même sur le fond des choses : tous deux estiment que la situation actuelle de la Pologne n’est pas tenable. L’objet poursuivi par les deux gouvernemens est tout à fait le même. Tous deux, se fondant sur les traités européens qui leur donnent le droit d’intervenir dans la question polonaise, demandent que les institutions et l’autonomie promises par les traités à la Pologne lui soient rendues. On s’est séparé sur le mode d’action. Le cabinet des Tuileries avait proposé qu’une note commune fût envoyée par la France, l’Angleterre et l’Autriche à Pétersbourg et à Berlin. L’Autriche ne se montra pas défavorable à cette proposition; elle subordonna son acquiescement à celui de l’Angleterre. Le cabinet anglais ne l’accueillit point; il montra de la répugnance pour l’action commune, et exprima la pensée qu’il valait mieux que chaque gouvernement fît de son côté les représentations qu’il jugerait nécessaires. La France dut donc faire connaître à Pétersbourg et à Berlin et sa note et la pensée qu’elle avait eue de la rendre commune à l’Angleterre et à l’Autriche; mais lord Palmerston s’est ravisé : il est revenu à l’idée de saisir un concert européen de la question polonaise. Seulement, au lieu de restreindre ce concert aux trois grandes puissances, il veut soumettre la question polonaise à une conférence où seraient représentés les états signataires des traités de Vienne. Nous ne pensons pas que la France puisse refuser son adhésion à cette proposition anglaise; mais la combinaison nous paraît très malencontreuse et bien moins favorable à la cause polonaise que l’idée primitive de la France. Son premier inconvénient, c’est d’entraîner de pénibles lenteurs. Dans le système français, il n’y avait à établir l’entente qu’entre trois puissances; ces puissances une fois d’accord, leur action eût été rapide et eût promptement amené le dénoûment de la crise polonaise. À ces puissances, lord Palmerston et lord Russell veulent ajouter trois états : la Suède, l’Espagne et le Portugal. Au lieu de trois, on sera huit, si la Russie et la Prusse acceptent la conférence; on sera six encore, si, ces deux puissances refusant la délibération proposée, l’on veut passer outre. Quelle complication et quels retards inévitables dans la négociation ! Le projet français présentait un autre avantage. Depuis bientôt cinquante ans, les affaires générales de l’Europe se traitent entre les cinq grandes puissances : connaissant les sentimens partagés par trois de ces puissances, ou, si l’on veut, par la France et l’Angleterre, la