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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars 1863.


L’intérêt qui s’attache en France aux événemens de Pologne et à la situation future de la malheureuse et vaillante nation polonaise va grandissant. Aux manifestations unanimes de la presse, aux démonstrations qui ont eu lieu dans quelques-unes de nos grandes villes, et plus encore aux impressions qui se révèlent dans les conversations privées, on voit bien que le cœur de la France est véritablement touché. Sur cette question, il n’y a aucune de ces divergences d’opinion qu’ont excitées les affaires d’Italie : le catholique et le révolutionnaire, le partisan des nationalités et le conservateur attaché à la légalité diplomatique se réunissent dans le même sentiment. Et ce qui donne à ce sentiment plus de force, c’est que tout le monde est convaincu que la France ne s’est jamais trouvée dans des circonstances où elle fût en mesure d’exercer une influence plus efficace en faveur de la Pologne. Il y a là une occasion, peut-être rapide et passagère, que la France et son gouvernement auraient à regretter longtemps d’avoir laissé échapper.

Pénétrés nous-mêmes de ce sentiment, nous avons cru dès l’origine qu’il ne suffisait point de l’exhaler en vagues déclamations, et qu’il ne fallait pas non plus le laisser égarer par les exigences passionnées qui vont au-delà des conditions actuelles des choses. Nous avons cru et nous pensons que la question polonaise doit être abordée diplomatiquement. Nous ne comprenons ni ces emportés qui voudraient que l’on allât du premier bond aux mesures extrêmes, ni ces pessimistes qui proclament d’avance que, par la voie diplomatique, on n’aboutira à rien, et qu’autant vaudrait commencer par l’action immédiate. « Ce que demande la diplomatie, disent ceux-ci, ne peut être accordé par les Russes, et ne saurait satisfaire les Polonais. » C’est possible ; mais il n’est permis à la politique civilisée de tenir pour irréconciliables des prétentions contraires qu’après avoir fait pour les accorder les plus sincères efforts, et après avoir acquis la démonstration pratique de son impuissance. Les rhétoriciens qui voudraient que l’on dé-