Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/365

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nés par Mme de Sévigné et par le comte de Bussy, ce dernier motif n’a guère plus de valeur que le premier. Les Mémoires sur la vie de Fouquet viennent ôter d’ailleurs ce dernier espoir aux amateurs du merveilleux[1], car ils établissent par des documens authentiques que l’ancien ministre de Louis XIV mourut dans sa prison, en mars 1680, d’une attaque d’apoplexie, et que ses restes furent transportés et inhumés l’année suivante à Paris dans l’église de la Visitation. Ces pièces dispensent de défendre Mme de Maintenon contre l’imputation plus comique qu’odieuse d’avoir conseillé cette cruauté singulière à Louis XIV, afin de lui mieux dérober la trace d’anciennes liaisons avec Fouquet. Ajoutons que pas un esprit sérieux n’a pu admettre l’existence de rapports suspects entre Mme Scarron et le surintendant, hypothèse appuyée sur une lettre cynique qu’une fille perdue oserait à peine écrire, et qu’un annotateur obscur n’a pas craint d’attribuer à la femme qu’il faudrait appeler la plus prudente, lors même qu’on se refuserait à dire la plus sévère de son temps. M. Cherruel expose d’ailleurs, en les appuyant sur quelques lettres charmantes, les liaisons assez étroites de Mme Scarron avec Mme Fouquet, la première femme du surintendant, liaisons marquées au coin de la plus extrême délicatesse, et durant lesquelles on voit l’épouse du pauvre infirme repousser par bienséance, d’autres pourront dire par pruderie, toutes les invitations pour Vaux, en cachant sous le devoir de ne pas quitter son vieux mari l’évidente appréhension de donner à la calomnie des armes contre sa jeunesse et sa beauté. La vieille fée avait-elle pressenti Saint-Simon?

Ce livre vient encore ajouter une page à l’acte d’accusation que les éditeurs de notre temps se complaisent à dresser avec une persévérance infatigable contre l’ancienne monarchie française. Depuis cette date mémorable de 1828, à laquelle remonte la publication intégrale du manuscrit de Saint-Simon, que de divulgations périlleuses, que de témoignages empruntés aux serviteurs les plus dévoués de cette monarchie, comme pour river de leurs propres mains la pierre de son sépulcre!... Quelques lettres de filles d’honneur pensionnaires d’un surintendant prodigue et libertin ajoutent bien peu sans doute aux graves révélations que nous ont faites sur le règne de Louis XIV un personnage tel que le duc de Saint-Simon,

  1. Dans l’énigmatique histoire du masque de fer, bien d’autres noms, chacun le sait, ont trouvé place. Rappelons seulement qu’un personnage non moins singulier que Fouquet passa également pour le héros de cette bizarre légende. C’est le Bolonais Mathioli, qui s’était donné faussement à Louis XIV comme autorisé à négocier la cession de la forteresse de Casai, et qui dut expier son audacieuse supercherie dans les cachots de Pignerol. On trouvera quelques détails sur Mathioli dans les Mémoires du marquis de Pomponne, publiés par M. Mavidal d’après un manuscrit de la bibliothèque du corps législatif.