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Dans l’herbe le voilà gisant... Qui l’a frappé?
Ce sont les bûcherons, ils ont comme une paille
Brisé l’arbre géant dans le taillis campé.

« Qui nourrit de charbon la fournaise béante,
Où l’on coule la fonte, où l’on forge le fer?
Qui fournit leurs grands mâts aux vaisseaux de la mer ?
Qui donne à la maison sa porte et sa charpente ?
Qui fait luire dans l’âtre un soleil en hiver
Et nourrit de charbon la fournaise béante !

« Ce sont les bûcherons. — Leur bras n’est jamais las.
Parfois, quand la forêt, de brouillards imprégnée,
Fait silence l’hiver, le bruit d’une cognée
Ou d’un chêne qui roule et tombe avec fracas
Retentit dans le fond d’une combe éloignée...
Ce sont les bûcherons, leur bras n’est jamais las.

« Honneur aux bûcherons, aux francs coupeurs de chênes!
Ils n’ont pas sitôt mis le pied hors du taillis.
Qu’ils se sentent le cœur pris du mal du pays.
Au bois est leur patrie, au bois sont leurs domaines;
Leurs fils y grandiront près des pères vieillis,
Les fils des bûcherons, des francs coupeurs de chênes! »

« Où vous en allez-vous? dit Lazare aux chanteurs.
Où vous en allez-vous, ô joyeux travailleurs?
— Au grand bois, répondit le plus vieux de la troupe.
Nous allons étrenner une nouvelle coupe,
Une vieille futaie aux arbres forts et droits :
Charmes, chênes, fayards, c’est du pain pour six mois,
C’est une mine d’or ! — Écoutez, dit Lazare,
J’ai toute ma vigueur et n’en suis point avare;
Voulez-vous m’accepter pour votre compagnon
Ou pour votre apprenti du moins ? — Et pourquoi non ?
Si vous savez planter la hache au cœur d’un hêtre,
Vous serez bien reçu. Venez parler au maître.
Ce soir, vers la nuit close, à la Vente-du-Roi.
— Eh bien! s’écria-t-il, ce soir comptez sur moi! »
…………………..

Le soir vint. Du départ l’horloge marqua l’heure.
Lazare en soupirant jeta sur sa demeure