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subordination de l’intérêt religieux à des considérations politiques et la subordination de la vie politique d’un peuple à un intérêt religieux, où l’on a pu se demander plus d’une fois si le pape, en se taisant sur la Pologne, ne ménageait pas un protecteur politique, et si, en se faisant l’allié de l’empereur d’Autriche en Italie, il ne cherchait pas à s’assurer une défense. C’est une nouveauté sans doute, et de telles nouveautés étonnent, inquiètent quelquefois, sont pleines de conséquences qui touchent à tout, dont on n’entrevoit même pas toutes les suites. Un pape moins Italien, sans l’attache d’un pouvoir politique, devient plus universel, plus libre moralement vis-à-vis de toutes les puissances terrestres. C’est tout un ordre de changemens possibles dans l’organisation de l’église, dans les rapports entre le pouvoir religieux et l’état; mais, à n’observer que le monde contemporain, la liberté, là où elle a régné, n’a-t-elle pas été plus favorable au sentiment religieux que tous les despotismes? Le clergé français actuel est né sous la loi de la séparation des pouvoirs, de la situation très nouvelle qui lui a été faite au commencement de ce siècle : il est probablement aujourd’hui dans son ensemble le plus éclairé, le plus pur, même le plus indépendant. Et puis si c’est une nécessité qu’on ne peut plus éluder ! On pourrait répondre par un mot que Joseph de Maistre disait un jour dans d’autres circonstances, et qui pourrait s’appliquer à tout ce qui s’est fait en Italie : « Si c’est un mal, il aurait fallu y penser plus tôt. »

Ainsi donc, qu’on ne s’y trompe pas, quelques trêves qui surviennent momentanément entre les opinions et dans la marche des choses, il y a une loi qui s’accomplit. Ce qu’on nomme l’indépendance de l’Italie, c’est désormais l’unité; c’est la substitution de la nation italienne aux autonomies, dont l’histoire est achevée. Cette unité, dans son application, peut se combiner avec l’élément local, laisser aux anciennes provinces la liberté de leurs intérêts et de leurs traditions, de leur administration par un régime largement décentralisateur, et ce système n’en est plus même à se produire : c’est celui qui tendait à subdiviser le royaume en régions formant tout un ensemble de groupes concentriques; mais au-dessus il y a l’unité politique, il y a l’Italie embrassant toutes ces régions et les enlaçant du lien national. C’est cela qui est l’œuvre de ces quatre années et qui s’appelle l’indépendance italienne. — Ce qu’on nomme d’un autre côté l’indépendance du pape, ce n’est plus la souveraineté temporelle telle qu’elle a existé. Cette indépendance, dans sa garantie extérieure, peut prendre telle ou telle forme; ce n’est plus l’état ecclésiastique. Au fond, le problème est moralement résolu, et si Rome est encore séparée de l’Italie, c’est, comme on l’a dit, par