Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 44.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

restaurées, fût-elle liée par une confédération apparente? C’est bien plutôt assurément l’anarchie organisée sous la forme fédérative, avec des pouvoirs craintifs, effarés, pleins des souvenirs de leur défaite, toujours placés entre l’entraînement des populations et l’instinct de leur propre sûreté. Ce serait l’antagonisme de tous les intérêts, de toutes les situations, de tous les sentimens en défiance. Qui se chargerait des exécutions fédérales au sein de ces antagonismes d’idées, de principes? Qui contraindrait la Romagne, si elle résistait au pape? Comment, en un mot, faire vivre ensemble des pouvoirs séparés par tant d’événemens, par tant de passions, les uns peut-être encore entraînés vers Venise, les autres invinciblement portés à s’appuyer encore d’une influence étrangère?

Il est vrai, diront les grands médiateurs d’idées qui n’acceptent ni l’unité ni l’ancienne confédération, il est vrai, l’Italie ne peut être rejetée dans un moule désormais brisé. On ne peut faire revivre toutes ces petites nationalités qui ont disparu au premier coup de vent de l’indépendance, avec toutes ces petites capitales, Modène, Parme, Florence, qui n’étaient que des postes avancés de l’Autriche; mais pourquoi ne formerait-on pas une confédération nouvelle avec deux royaumes considérables, — l’un au nord, composé du Piémont, de la Lombardie, de Parme, de Modène, de la Toscane, des Romagnes, des Marches, de l’Ombrie, — l’autre au midi, composé de Naples et de la Sicile, et au milieu le pape s’élevant comme une grande puissance morale unissant, conciliant les deux royaumes? On ne remarque pas que ce n’est tout au plus que déplacer la question, qu’on ne crée pas ainsi par un artifice de volonté une confédération avec un tête-à-tête de deux états surveillés par un vieux pontife. Quel souverain d’ailleurs irait régner à Naples? Serait-ce l’ancien roi François II? Serait-ce un prince nouveau, et quel prince? Est-ce que le pape admettrait plus aisément une diminution de souveraineté temporelle avec une fédération ainsi organisée? Et quelle serait sa situation entre deux royaumes toujours en contact et séparés par des souvenirs, par des animosités, par des questions d’intérêt, de voisinage, de politique, qui deviendraient une source éternelle de conflits? L’Italie ne serait plus qu’un champ clos où, à la place de souverainetés multiples formant du moins une sorte d’équilibre, il n’y aurait que deux ennemis en présence.

Qu’arriverait-il de toutes ces combinaisons fédératives trop vieilles au moins de cinq ans? Un des hommes les plus sensés de Naples, qui ne dissimule nullement les difficultés actuelles, qui a même travaillé à une alliance avec le Piémont à la veille de la chute de François II, M. Manna, le dit : « La solution unitaire aurait peut-être pu être différée en principe; mais puisque le problème est posé, puis-