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hauteur que pour donner un sens plus décisif à l’abdication qu’il en faisait, qui a pu depuis se montrer trop homme d’état d’une ville dans le gouvernement de l’Italie, mais qui était alors à Florence le plus Italien des Italiens par le coup d’œil et par l’action. Le baron Ricasoli se faisait le théoricien intrépide de cette unité qui ne s’appelait encore que l’annexion, et c’est par lui peut-être qu’elle a triomphé; c’est lui qui en précisait la signification lorsqu’il disait à ceux qui cherchaient à l’ébranler : « Le caractère principal ou pour mieux dire unique et exclusif du mouvement italien de 1859 est le sentiment de la nationalité. Cela est si vrai qu’aucune question de forme gouvernementale intérieure n’est venue cette fois, comme cela est malheureusement arrivé en 1848, troubler l’élan des Italiens dans la conquête de l’indépendance nationale... Tant que la guerre durait encore, tant qu’on avait l’espérance que le royaume de la Haute-Italie, les Autrichiens étant chassés de toute la péninsule, verrait sa force accrue de la Vénétie, l’autonomie toscane avait ses défenseurs. Maintenant ils ont disparu. Pourquoi? Parce qu’en Toscane la pensée italienne domine toutes les autres... » Et ailleurs : « Assurément la Toscane répugnerait à se laisser absorber par un pays étranger, hétérogène, qui voudrait la mettre à son niveau dans une condition de barbarie relative; mais plus on la considère comme avancée dans la civilisation et fière de ce privilège, plus on doit lui supposer l’intelligence des conditions propres à garder et à faire valoir ce don qu’elle possède. Aujourd’hui la Toscane, comme les autres états de l’Italie, a fait la douloureuse expérience du peu de sécurité et de la stérilité des bonnes institutions dans les petits états : elle a vu dans sa petitesse une menace perpétuelle contre sa civilisation, et ce qui s’appelait amour de l’autonomie est devenu en fait désir de s’agrandir et de se fortifier pour sa propre défense... » Il n’y a ici, on le voit, nulle trace d’une passion purement révolutionnaire; tout procède du sentiment de nationalité. Voilà l’origine! Et si, à part la logique et la force des choses, l’Italie, dans sa marche vers l’unité, a eu des auxiliaires efficaces, quoique involontaires, ce sont ceux qui, arrivant toujours tardivement, toujours en arrière d’une révolution, préconisaient l’immobilité quand de simples réformes intérieures eussent été un bienfait, se rattachaient aux réformes quand le mouvement avait pris déjà un caractère national, invoquaient la confédération lorsque la confédération était déjà dépassée, et ne cessent de combattre avec l’expédient de la veille l’événement du lendemain.

Il y a d’ailleurs un fait qu’on oublie aujourd’hui après quatre ans, et qui est comme l’expression de la toute-puissance de ce mouvement national dans son origine. Qu’a-t-il donc fallu pour faire dis-