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mine. Les maisons, toutes neuves, sont construites en terre et en bois; elles ont toutes un premier étage, que l’on habite, tandis que le rez-de-chaussée sert d’écurie et de remise. Auprès de chaque maison, il y a un jardin entouré de palissades et un poulailler rond, fait de claies soigneusement tressées. Au-delà de ce village, notre route s’enfonce dans la forêt, où nous marchons pendant quatre heures. Le sentier, tracé par les arahas, suit le pied de la montagne; tantôt il en gravit en écharpe les premières pentes, tantôt il descend au bord de la plaine. Pendant quatre heures de marche dans le fourré, nous voyons à peine quelques clairières où se trouvent des scieries abandonnées, autour desquelles se pressent déjà les tiges nouvelles et les plantes grimpantes, comme avides d’effacer au plus tôt la trace de la cognée. Il en est de même du chemin : partout il est envahi par les branches; on n’y passe qu’en les écartant sans cesse avec la main, en se courbant à chaque instant à toucher avec la joue le cou du cheval. La forêt se referme sur les pas de l’homme, comme l’eau sous le bras du nageur. Sous ces ombrages, on ne se douterait pas qu’il est deux heures après midi, qu’on est en Asie-Mineure, au mois de juillet, et qu’il fait chaud dans la plaine. Ici l’eau est partout, sur les fouillées, qui ont gardé la rosée de la nuit et la pluie du matin, et qui nous la versent par ondées, sous les épaisses fougères et l’humide velours des scolopendres, où on l’entend bruire et filtrer goutte à goutte, dans le lit des torrens, où elle se précipite en grondant du haut de la montagne. Un peu avant de sortir de la forêt, nous rencontrons une source d’eau thermale qui jaillit tout près de la route, dans une piscine à ciel ouvert, précédée d’un vestibule, constructions dues sans doute à la libéralité de quelque pieux musulman du voisinage. On n’a qu’à pousser la porte; elle s’ouvre et retombe d’elle-même. Se baigne qui veut.

Efteneh, où nous arrivons bientôt, est un petit village d’une vingtaine de maisons. Les notables sont réunis devant la mosquée ; celle-ci, tout en planches, est bâtie au-dessus d’un gros ruisseau où les fidèles vont faire leurs ablutions, et qui passe sous le temple même. Tout alentour se dressent de grands noyers, et les platanes inclinent vers l’eau courante l’extrémité de leurs branches. On nous fait très bon accueil; on apporte des matelas, des coussins, qui me permettront de m’établir pour la nuit sous la galerie qui entoure la mosquée. — Si je veux, me dit-on naïvement, on me donnera une chambre quelque part; mais il y a force vermine dans toutes les maisons. — Je profite de l’avertissement, et je déclare que j’aime bien mieux rester dehors.

L’iman appelle à la prière du soir, et les fidèles entrent à la mos-