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attendaient impatiemment l’arrivée des troupes régulières expédiées d’Alep à leur secours.

Vers une heure après minuit, Aziz rentrait dans Marach, et dès son arrivée les agens consulaires vinrent le trouver, lui annonçant qu’afin de prévenir de nouveaux malheurs, un corps de troupes régulières était en marche et venait protéger les chrétiens de la ville. Le consul anglais ouvrit aussitôt une enquête sur les événemens qui s’étaient accomplis, et les agens des puissances adressèrent à leurs ambassades à Constantinople des rapports détaillés, auxquels étaient jointes les protestations des Zeïthouniens et des chrétiens de Marach.

Le cabinet ottoman, dont les projets se trouvaient déjoués par suite de la malheureuse campagne d’Aziz, se hâta de le remplacer par Achir-Pacha. Achir était l’ancien gouverneur de Belgrade, celui-là même qui, en ouvrant le feu de la forteresse turque contre les Serbes quelques mois auparavant, « avait, dit une dépêche publiée par le gouvernement français, commis un acte dont l’agression la plus menaçante et la plus folle n’aurait pas même justifié l’utilité. » Le cabinet turc ne pouvait faire un choix plus significatif. En rappelant Aziz, la Porte ne remplaçait pas le pacha, elle substituait un nom à un autre. En même temps une commission turque fut envoyée à Marach pour faire une enquête, et, grâce à l’insistance de M. le marquis de Moustier, ambassadeur de France auprès du sultan, deux Arméniens furent adjoints à cette commission, qui récemment aurait décidé, en l’absence des délégués arméniens, que quatre notables Zeïthouniens, convaincus de rébellion et d’assassinat, seraient condamnés à mort et exécutés ! Reste à savoir si les Arméniens consentiront à livrer leurs chefs aux mains de la justice turque.

Pendant que la commission turque instruisait à Marach contre les Zeïthouniens, et que ces derniers expédiaient en Europe des délégués pour solliciter la protection des puissances chrétiennes, et notamment de la France, un autre procès se rattachant aux événemens du Zeïthoun était intenté à Constantinople au rédacteur du journal arménien le Munadié Erdjiaz, M. G. Panossian. On reprochait au rédacteur de cette feuille d’avoir inséré des articles prétendus mensongers sur les événemens de la Cilicie et d’avoir « diffamé un haut fonctionnaire de la Porte, son excellence Aziz-Pacha. » M. Panossian, jeune homme animé d’un louable patriotisme, avait simplement résumé en termes modérés les nouvelles reçues de Marach et d’Alep. Il gémissait, lui Arménien, sur le sort de ses frères de la montagne livrés au glaive des soldats d’Aziz, et il déplorait les massacres du Taurus. C’était là tout son crime. D’après l’ordre de la police, M. Panossian fut arrêté et mis au secret; une commission fut