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en Cilicie, la race arménienne du Zeïthoun est plus vigoureusement constituée que celle des villes de la Turquie. En cela, les Zeïthouniens offrent une ressemblance très frappante avec leurs compatriotes du Karabagh, autre province arménienne située dans le Caucase, au sud du Daghestan, et avec les nombreux ouvriers et portefaix de Constantinople, qui presque tous sont des Arméniens originaires des montagnes de l’Arménie turque.

On compte dans le Zeïthoun dix villages, beaucoup de hameaux (y alla) et de fermes (tchifIik). Six de ces villages, y compris la bourgade principale, Zeïthoun, qui a donné son nom à toute la contrée, sont exclusivement habités par des Arméniens; les quatre autres sont peuplés de Turcomans, sujets des premiers et qui font aussi partie de la confédération. Par un sentiment de tolérance religieuse qu’on ne saurait trop louer, ces Turcomans, qui professent l’islamisme, jouissent des mêmes droits que les Arméniens, et à part la croyance ils ne diffèrent en rien des premiers. Les villages occupés par les Arméniens sont : d’abord Zeïthoun, siège archi-épiscopal et résidence des membres du gouvernement; puis Mikhtal ou Makal, Tchékerdéré, Yézidin’k et Alabach, dont la population présente un ensemble d’environ 20,000 âmes, y compris celle des hameaux et des fermes qui en dépendent. Les villages turcomans sont Béchen, Denuk, Kertmen et Sarigueuzel, formant ensemble une population de 4 à 5,000 individus, tous musulmans. On excusera peut-être ces détails pour des localités que les massacres turcs peuvent rendre demain tristement célèbres.

C’est un fait curieux à signaler dans l’histoire actuelle de l’empire ottoman que l’existence de ces petits états libres, en majeure partie composés de chrétiens, et qui, sur des points très opposés, n’ayant entre eux aucune communication, se sont maintenus en dehors de l’autorité du sultan : en Europe, le Monténégro, qui a résisté si longtemps aux troupes du serdar Omer-Pacha; en Asie-Mineure, le Zeïthoun, dont les habitans, il y a six mois, ont mis en déroute les hordes musulmanes amenées de Marach pour les exterminer; en Syrie, le Liban, naguère encore le théâtre d’une effroyable tuerie; dans l’Arménie turque enfin, les montagnes de Sassoun, peuplées aussi d’Arméniens insoumis. Toutes ces semi-nationalités, que le gouvernement ottoman cherche à soumettre à son obéissance, en les faisant attaquer par des forces supérieures, sont condamnées à disparaître, si les puissances de l’Europe ne viennent leur prêter secours et assistance. Les moyens d’action mis en œuvre par la Porte sont bien connus : là où l’or ne peut payer la trahison, là où les promesses les plus séduisantes sont repoussées avec une fierté dédaigneuse, le divan essaie d’appliquer les vieux préceptes de l’école