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sances rivales, finit par se démembrer, et fut définitivement conquis par les Sassanides,

Le christianisme, quand il s’établit en Arménie au commencement du IVe siècle, amena un changement très brusque dans les habitudes et dans le caractère des habitans. Les persécutions dirigées contre eux par les Perses, qui dévastèrent le pays à plusieurs reprises afin de les contraindre à revenir au magisme, leur ancienne croyance, déterminèrent les Arméniens à sortir des limites qu’ils avaient si rarement franchies, et à fonder loin de leur patrie de nombreux établissemens. Polythéiste ou adorateur du feu, l’Arménien était resté fermement attaché au sol natal; chrétien, il abandonna son pays, et choisit d’autres contrées où il pût librement pratiquer la foi de l’Évangile. Son génie actif et entreprenant prit un rapide essor, et lui fournit les moyens de s’établir partout où il crut trouver une tranquillité favorable au développement de ses facultés et de son industrie. L’émigration arménienne, qui commence peu de temps après la conversion au christianisme, ne s’arrêtera plus qu’après la conquête de Constantinople par les Turcs.

La révolution religieuse eut pour les Arméniens un autre résultat : si d’une part le magisme, qui était un lien politique entre eux et les Perses, avait peu à peu disparu de leur pays, grâce au zèle religieux déployé par saint Grégoire l’Illuminateur et ses disciples, d’autre part le polythéisme avait croulé, entraînant dans sa ruine les temples et les statues des dieux. En s’imposant victorieusement à la place de ces deux cultes proscrits, le christianisme avait éloigné pour toujours les Arméniens des Perses et les avait rapprochés des Grecs d’Orient, leurs coreligionnaires. C’est ce qui décida les monarques sassanides à employer la violence pour ramener les Arméniens à la doctrine du magisme. Dans cette vue, des armées nombreuses furent envoyées par Sapor II et ses successeurs contre l’Arménie, et signalèrent leur présence dans ce pays en ruinant les édifices du nouveau culte et en dévastant les villes principales. Les habitans de ces cités opulentes furent décimés, et ceux qui avaient échappé au massacre furent emmenés en captivité dans la Bactriane, la Parthie, l’Hyrcanie et l’Ariane. Deux historiens arméniens, Pouzant, plus connu sous le nom de Faustus de Byzance, et Thomas l’Ardzrounien, estiment qu’Artachad et Van, avec leur territoire, fournirent aux Perses près de cinq cent mille captifs.

Après la chute de la monarchie arsacido-arménienne, au Ve siècle, une guerre religieuse éclata de nouveau entre les Arméniens et les Perses, Le magisme et le christianisme se trouvèrent encore en présence; de part et d’autre, l’acharnement et le fanatisme ne connurent plus de bornes. La guerre dura cent ans, et ne se termina qu’au