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acquis de la colonisation. Plus tard, à mesure que la propriété se développe, la colonie se trouve naturellement amenée à emprunter les formes variées de taxes indirectes et même directes qui sont en vigueur dans leurs métropoles, et elle devient libre de penser que l’impôt, comme l’ont affirmé certains publicistes, est non-seulement un signe, mais encore un élément de richesse. Ici, du reste, on doit remarquer que l’action et le rôle du gouvernement métropolitain s’effacent devant l’initiative des colons, qui, dans les établissemens arrivés à cette période de croissance, sont les meilleurs juges de ce qui les intéresse en matière d’impôt.

Les colonies que les Européens possèdent par droit de conquête, et dont le sol demeure occupé par une population indigène, présentent, au point de vue de l’impôt, plus de ressources. Si le produit de la vente des terres domaniales y fait généralement défaut (ce qui est même désirable, car cela prouve que la propriété est constituée et répartie entre les indigènes), il reste le produit des douanes, auquel s’ajoute sans difficulté celui de licences ou de monopoles pour la vente des spiritueux ou d’autres articles, tels que l’opium, dont il est moral de restreindre la consommation par des taxes élevées. Le revenu le plus important néanmoins est ordinairement l’impôt territorial qui existait avant la conquête, et que les Européens n’ont eu qu’à maintenir. Dans les Indes anglaises et à Java, il forme l’élément le plus considérable du budget des recettes. Il serait trop long d’entrer ici dans les détails compliqués des divers modes selon lesquels est perçu l’impôt foncier dans ces deux grandes colonies. C’est le principe même de la taxe que nous avons à examiner, et ce principe est inattaquable; mais on peut le fausser et l’aggraver par un mauvais système de perception. C’est ce qui est arrivé dans plusieurs régions de l’Inde anglaise, où le gouvernement délègue ses droits à des intermédiaires qui en abusent contre les contribuables, et à Java, où l’impôt, qui d’après l’ancienne loi devrait représenter le cinquième de la récolte, est souvent converti en journées de travail, c’est-à-dire en corvées personnelles. Ces procédés ont pour conséquence d’atteindre la liberté de la main-d’œuvre, de maintenir sous le joug du servage et de la misère des populations qui, vraisemblablement, sur une terre aussi fertile, pourraient aspirer à l’aisance, si l’impôt, moins par lui-même que par son mode de perception, ne pesait pas aussi lourdement sur elles. Dans les îles Philippines, les Espagnols ont trouvé établie une taxe de capitation, et ils l’ont conservée; mais cette taxe, paraît-il, est très malaisée à percevoir, le contribuable se dérobant avec une extrême agilité dès qu’il aperçoit l’agent du fisc. L’impôt foncier est de tous points préférable. Il convient seulement d’en régler le taux d’après