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une égale mesure, les établissemens coloniaux se trouvant dans des situations très diverses; mais il importe de la reconnaître, parce qu’elle peut servir de guide aux métropoles et les engager à développer dans leurs possessions les principes libéraux dont il est équitable que celles-ci acquittent le prix.

La question de l’impôt ne le cède pas en importance aux questions que nous avons successivement examinées. Une société déjà ancienne peut vivre et se développer en dépit d’un vicieux système de contributions : il n’en est pas de même d’un établissement colonial. Ici, il suffit d’une taxe mauvaise ou seulement inopportune, d’une fausse manœuvre fiscale pour étouffer dans leur germe ou arrêter dans leur essor les élémens de prospérité. L’impôt exerce une influence directe et décisive sur le capital et sur le travail : dans une contrée civilisée et peuplée depuis des siècles, le capital et le travail sont attachés au sol par des liens assez solides pour résister aux atteintes d’une faute économique, et l’on n’a pas à craindre leur émigration totale, tandis que dans un pays neuf, où ils n’ont pas encore pris racine, on ne peut les attirer et les retenir qu’au moyen de ménagemens excessifs, en les traitant avec toute sorte d’égards : or ce qu’ils redoutent le plus, c’est l’impôt. Le législateur, dans une colonie nouvelle, doit donc écarter toute taxe qui, frappant directement le capital et le travail, aurait pour résultat infaillible d’éloigner l’un et l’autre. Il doit également proscrire les impôts d’enregistrement et de timbre, que le génie fiscal a rendus si lourds dans la plupart des métropoles. Ces taxes grèvent la transmission du sol, et elles seraient particulièrement funestes dans des contrées où il importe que la propriété territoriale conserve les plus grandes facilités pour changer de main, jusqu’à ce qu’elle rencontre un capital suffisant ou un travail assez énergique pour la mettre en valeur.

Dans les colonies habitées exclusivement par une population européenne, l’exemple de l’Australie montre que l’impôt peut être sans inconvénient puisé à deux sources : le produit de la vente des terres domaniales et les droits de douane. L’immigrant qui achète un lot de terre ne s’inquiète que du prix total qui lui est demandé, et il accepte ou plutôt il ne voit pas l’impôt qui se trouve confondu avec ce prix. Quant aux droits de douane, ils ne sauraient atteindre sensiblement le capital de roulement, ni affecter le salaire, car, les colonies produisant dès l’origine et avant toutes choses les denrées nécessaires à leur subsistance, les taxes ne peuvent frapper que des articles fabriqués dont la consommation n’est point de première nécessité, et qui sont payés par un prélèvement sur la rente du sol ou sur le profit de la main-d’œuvre, c’est-à-dire sur les bénéfices