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la grande Compagnie des Indes, qui ne s’est maintenue jusqu’à ce jour qu’en se dépouillant, à chaque période, d’une portion de ses anciens privilèges. L’Australie produit d’immenses quantités de laine, parce qu’elle peut les exporter à toutes destinations. On ne citerait pas une seule colonie où la liberté d’exportation n’ait pour résultat un accroissement de produits, par conséquent de richesse. En second lieu, lorsque toutes les métropoles auront la faculté de s’approvisionner dans toutes les colonies indistinctement, l’industrie manufacturière obtiendra directement et dans des conditions plus régulières et plus économiques les matières qui lui sont indispensables. De même, les denrées de consommation que les pays des zones tempérées demandent aux régions tropicales se répandront plus aisément sur les différens marchés. Enfin une production plus abondante d’un côté et une consommation mieux assurée de l’autre amèneront nécessairement un mouvement d’échanges qui profitera à l’industrie, au commerce et à la marine, et qui, par son universalité, échappera au danger des crises, si fréquentes sur les marchés restreints.

Craindrait-on qu’avec ce système toutes les colonies ne devinssent en quelque sorte la proie commerciale de celle des nations du monde qui aurait acquis la supériorité industrielle et maritime, et viendrait-on prétendre par exemple que l’Angleterre, à la faveur des franchises si libéralement concédées, s’établirait en maîtresse dans tous les comptoirs, et enlèverait ainsi aux autres métropoles les bénéfices de la propriété coloniale pour ne leur en laisser que les charges? Il y a quelques années, ces appréhensions pouvaient avoir une certaine portée. Les gouvernemens et les peuples attribuaient à la concurrence étrangère une influence désastreuse; l’invasion des produits fabriqués au dehors leur inspirait une sainte terreur, et ils la repoussaient par les moyens les plus énergiques. Qu’a-t-on vu cependant dès le premier jour où l’on a essayé de vaincre cette répugnance et d’abaisser les barrières qui arrêtaient les échanges internationaux? Qu’a-t-on observé à mesure que l’on a partout supprimé les prohibitions et diminué les droits de douane? L’expérience a prouvé que l’industrie nationale, prise en masse, ne relève que d’elle-même et qu’elle conserve une force de résistance presque invincible contre la concurrence qui vient la chercher sur son propre terrain : bien plus, cette concurrence est un stimulant qui accroît l’énergie et la valeur du travail. Et ce ne sont pas là de vaines déclamations de théorie; ce sont des faits universels et éclatans. La concurrence britannique, qui devait tout dévorer, n’a entamé ni l’industrie belge, ni l’industrie suisse, ni l’industrie allemande, pas plus qu’elle ne ruinera l’industrie française, et l’on a remarqué au