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bientôt ruinée, et elle aurait manqué des moyens d’échange pour payer les articles manufacturés fournis par la mère-patrie. On fut donc obligé de lui garantir ce marché en frappant de droits plus élevés les productions des autres provenances. Telle fut l’origine des tarifs différentiels établis dans les métropoles, d’abord pour favoriser les colonies contre la concurrence étrangère, puis pour favoriser certaines colonies contre la concurrence de certaines autres, auxquelles la fertilité du sol, l’abondance du travail ou leur situation géographique créaient des avantages naturels qui diminuaient le prix de revient de leurs produits. C’est le système connu sous le nom de pacte colonial.

Rien de plus logique en apparence que ce système fondé sur la réciprocité. Alors que la liberté du commerce n’existait presque nulle part et que les nations industrielles se refusaient, avec une égale obstination, à échanger leurs produits fabriqués, la métropole, considérant les colonies comme un agrandissement de son marché intérieur, devait proscrire dans ses possessions, comme elle le faisait elle-même à ses frontières, toutes les importations du dehors. D’un autre côté, comme les colonies ne pouvaient payer les produits métropolitains qu’à la condition de vendre leurs propres récoltes, la mère-patrie leur ouvrait un marché privilégié. Monopole et privilège, telle est en deux mots la définition du pacte colonial, et il est utile de démontrer comment ce système tout artificiel devint, à la longue, préjudiciable pour les colonies comme pour les métropoles.

Tant que celles-ci purent vendre à de hauts prix sur le marché colonial les produits de leurs manufactures, sans être obligées de concéder sur leur propre marché un privilège aux produits coloniaux, tout alla bien : si les colonies étaient lésées en payant trop cher les articles fabriqués, les métropoles y trouvaient leur bénéfice, et c’était là le principal but de la colonisation. Plus tard, lorsque, par l’effet de ce régime, les colonies virent s’accroître leurs charges de culture au point de ne pouvoir plus produire au prix normal; lorsque, pour les soutenir, on dut leur accorder une situation privilégiée en surtaxant les produits des autres provenances, ce furent les métropoles qui subirent à leur tour les conditions onéreuses du nouveau pacte, en payant plus cher les matières brutes et les denrées de consommation qui leur étaient expédiées non-seulement de leurs possessions appauvries, mais encore des divers points du monde. Selon la théorie du pacte, ce sacrifice aurait dû être compensé par les avantages que procurait aux manufactures le monopole dont elles étaient en possession sur le marché colonial: mais en fait il n’en était pas ainsi. Tandis que certaines branches