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cution réclame de grands ménagemens, le principe est certain. Sur quelque terrain que l’on se trouve placé, la constitution et la délimitation de la propriété sont les conditions premières et indispensables de toute œuvre coloniale.

Il importe, en second lieu, de procurer à la colonie les instrumens de travail, c’est-à-dire la population agricole proportionnée au capital qui peut lui faire l’avance du salaire et à l’étendue de terre qui s’offre immédiatement à la culture. Le problème se présente sous des aspects très variés. Tantôt la colonie que l’on veut fonder a devant elle un territoire désert ou imparfaitement peuplé avant l’arrivée des Européens ; il faut alors que la métropole fournisse elle-même l’approvisionnement de bras. Tantôt au contraire la population indigène était numériquement suffisante pour la culture ; dans ce cas, il s’agit de l’exciter au travail et de lui inspirer le besoin et l’intérêt de la production. Ici, le climat se prête au labeur de la race blanche ; là, il exige celui d’autres races, destinées à la culture des terres tropicales. Autant de situations, autant de règles particulières pour le succès de l’entreprise.

Ainsi que l’a observé Adam Smith, les colonies les plus prospères sont celles qui se fondent, sur une terre fertile, avec des élémens purement européens. Là en effet, point de complications, point de difficultés militaires pour dompter la résistance d’une race indigène, point d’embarras politiques pour gouverner et administrer des populations qui ont leurs superstitions, leurs préjugés, leurs coutumes. Tout est simple, sinon aisé : les colons apportent avec eux les mœurs et les habitudes de la métropole, et ils ne demandent point d’autres lois que celles de la mère-patrie. Le grand problème, c’est de les attirer en nombre suffisant pour former dans la colonie nouvelle une société qui vive par elle-même, se développe et couvre peu à peu les frais de premier établissement. Les colonies anglaises de l’Amérique du Nord, devenues depuis les États-Unis, présentent le spectacle tout à fait exceptionnel d’une colonie qui s’est créée naturellement, avec les seules ressources d’une immigration spontanée et libre, déterminée par le sentiment religieux ou politique, et attirée par la fertilité du sol, par la similitude du climat et par la facilité des communications avec l’Europe. En Australie, c’est par l’expédient de la transportation des criminels que la métropole a inauguré la colonisation. Il est permis de critiquer aujourd’hui les colonies pénales et de professer que de mauvais élémens il ne peut rien sortir de bon ni de durable ; mais à l’époque où l’Angleterre appliqua ce système, elle n’avait point d’autre population à envoyer en Australie. Alors que l’Amérique était aux portes, reliée avec l’Europe par des relations commerciales déjà fréquentes et régu-