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L’art même a illustré cette doctrine sur les murs du Vatican, au siège de l’infaillibilité papale : par ordre de Grégoire XIII, Vasari, comme on sait, a retracé en fresques triomphantes, dans la Sala regia, vestibule de la chapelle Sixtine, la mort de Coligny et les scènes de la Saint-Barthélémy. En présence d’une tradition aussi unanime consacrée par l’autorité des pères, des papes et des conciles, inscrite à chaque page du droit canon, commentée, justifiée dans les traités de théologie, suivie en tout temps depuis le IVe siècle, peut-on demander au clergé de se rallier au principe de la tolérance? A moins de changer radicalement l’enseignement des séminaires et de prohiber complètement l’enseignement de l’histoire ecclésiastique, comment exiger que les jeunes lévites embrassent des idées dont tous les antécédens de l’église sont la plus éclatante condamnation? Certes, le bras séculier ne paraissant plus disposé à se mettre au service du système orthodoxe pour imposer par la force la foi et les pratiques du catholicisme, le clergé se soumettra à ce qu’il appelle la dureté des temps; mais l’unité appuyée sur le glaive du souverain restera son idéal : nécessairement il combattra tout ce qui en éloigne, il appuiera tout ce qui y ramène.

Voici un second point où l’heureux accord rêvé par les réformateurs ne sera pas moins difficile à établir. Au sein de l’église et hors ou à côté de l’église, on suit deux méthodes de penser très différentes et souvent même opposées. Actuellement la science veut chercher la vérité en toute chose sans parti-pris d’aucune sorte, sans s’incliner devant la parole d’un maître ou devant les décisions d’une autorité quelconque. Elle prétend avoir le droit de réviser toute sentence, de casser tout arrêt. Elle n’admet pas qu’on lui dise : « Cela a été décidé sans appel. » Elle n’a de valeur, dit-elle, que quand elle est libre et dans la mesure où elle est libre. En un mot, le libre examen, voilà son procédé et sa raison d’être. Quand on considère le développement dogmatique au sein de l’église, il serait presque malséant d’exiger d’elle qu’elle adoptât la même méthode. Elle repose sur l’autorité, elle vit d’autorité; l’autorité est son principe, sa fin, sa force à ses propres yeux, son mérite aux yeux des fidèles. Les points décidés le sont définitivement. Tout résultat de la critique qui y contredit est non avenu, car il ébran-