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stitution. Plus les circonstances deviennent difficiles, plus le pouvoir central se fortifie; plus violente est la tempête qui menace l’esquif symbolique, plus on accorde d’autorité au pilote infaillible qui le conduit. Joseph II et ses réformes, la révolution et ses tentatives d’église constitutionnelle, Napoléon et ses efforts pour subalterniser le pape, toutes les résistances passent et tombent; la dictature du saint-siège sort de ces épreuves plus complète, plus absolue que jamais; tout ce qui lui fait obstacle est abattu. Aujourd’hui, en présence de la situation critique du pouvoir temporel, l’autorité spirituelle du pape n’en devient que plus souveraine et plus incontestée pour les fidèles, et les évêques qui au mois de mai 1862 se réunissaient à Rome ne s’occupaient guère d’y mettre des bornes. Quand les réformateurs orthodoxes réclament le rétablissement des anciennes libertés, ils se mettent donc en travers du mouvement séculaire qui va au despotisme. Or, pour que l’effet vînt à cesser, il faudrait d’abord que la cause disparût. Pour que l’église renonçât à la centralisation et à la dictature, armes des jours de péril, il faudrait qu’elle cessât de se croire en danger; mais loin de là : le protestantisme n’est pas près d’abdiquer entre les mains de l’unité, et jamais la critique n’a été mieux armée par l’histoire, la philologie, la science dans toutes ses branches. Sera-ce quand elle se dit attaquée par tant d’adversaires de tout genre que l’église voudra renoncer à ce qu’elle suppose être ses meilleurs moyens de victoire?

En résumé, il s’est produit au sein de l’église catholique un développement incontestable, principalement dans trois directions différentes : développement du culte depuis la simplicité de l’âge apostolique jusqu’au symbolisme du temps actuel, si riche, si compliqué, si chargé de cérémonies, de fêtes et de pratiques; développement du dogme depuis les préceptes de charité de l’Évangile jusqu’au formulaire si détaillé de Trente, encore récemment complété; enfin développement de la hiérarchie depuis les communautés libres et autonomes du premier siècle jusqu’à la centralisation autocratique que nous voyons fonctionner maintenant. Cette triple évolution s’est accomplie sous l’empire de causes profondes, encore agissantes, et pour répondre à certains besoins encore existans chez les fidèles. D’autre part, les réformateurs catholiques ont constaté que la société laïque a aussi ses progrès, mais dans un sens tout opposé. Ils ont vu qu’elle s’éloigne des symboles, des mythes, des cérémonies, des rituels, pour atteindre à la réalité des choses et à la vie de l’âme, qu’elle s’échappe des formules imposées par voie d’autorité pour s’élancer dans la carrière du libre examen universel, et qu’elle s’émancipe des régimes despotiques pour se rapprocher du système de la démocratie représentative. Ils ont proclamé la force, la légitimité