Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/835

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gramme de ceux qui, attachés à la fois à la civilisation actuelle et au catholicisme, voudraient voir dans une réforme au sein de l’orthodoxie le prélude et le moyen de la réconciliation des deux puissances qui se combattent. Ces visées sont à coup sûr très belles, el on comprend qu’elles enflamment de nobles âmes. Malheureusement elles sont en opposition avec toute l’histoire de l’église, et pour qu’elles cessent d’être autre chose que des rêves, il faudrait qu’il se produisît dans la marche de l’église une volte-face complète, un écart absolu qu’on rencontre parfois dans l’existence d’un homme, mais jamais dans celle d’une institution.

Depuis les premiers temps du christianisme, il s’est accompli dans l’église un développement continu, nous dirons même un progrès, si l’on veut bien ne pas trancher par ce mot le point si débattu de savoir si le progrès s’est fait en bien ou en mal. De quelque manière qu’on le juge, le résultat est incontestable. Il est devenu inutile de le démontrer depuis que les défenseurs de l’orthodoxie qui semblaient avoir le plus d’intérêt à nier ce progrès ont été amenés à le reconnaître pour défendre la proclamation d’un nouveau dogme. Or il est facile de montrer que le développement s’est opéré en sens inverse de celui que les réformateurs catholiques voudraient voir triompher dans les trois directions où se sont portés leurs vœux.

Commençons par le culte extérieur, que les réformateurs prétendent ramener à la simplicité des premiers siècles. Il faut remarquer que cette simplicité toute spiritualiste du christianisme primitif n’a pas suffi longtemps à satisfaire les fidèles. Tant qu’il subira l’empire de l’imagination et de l’instinct, l’homme éprouvera le besoin de manifester ses croyances par des symboles et ses adorations par des cérémonies. Telle est la source profonde de l’art religieux. Quoique les juifs fussent plus portés au monothéisme que les autres peuples anciens, le culte institué par Moïse leur semblait déjà trop simple, puisqu’on les voit si souvent emprunter les idoles des nations voisines. Quand saint Paul, après une lutte mémorable, eut affranchi les premiers chrétiens de l’observance des prescriptions judaïques, le culte en esprit et en vérité se trouva réalisé pour quelque temps. Point de temples spéciaux, point de statues ni de symboles, point de cérémonies sacerdotales. On se réunit dans des maisons particulières pour prier et pour prendre part en commun aux agapes: même à l’époque des persécutions, les païens, étonnés de cette absence de signes extérieurs et cherchant en vain l’image du Dieu qu’adoraient les chrétiens, les accusaient d’athéisme; mais bientôt le besoin de symbolisme l’emporte. On commence à observer quatre ou cinq fêtes, on célèbre les martyrs; les premières peintures sacrées apparaissent dans les catacombes. A partir de