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à meilleur marché dans les grandes villes que dans les villages ? Comme on a bien plus de choix dans ces magasins de Londres, véritables temples de marchandises, que dans les mesquines boutiques de province ! Ces considérations et bien d’autres invitent à délier les cordons de la bourse. D’un autre côté, les 7 ou 8 millions de livres sterling qu’exige le paiement des intérêts de la dette nationale sont autant de retiré aux grandes affaires, qui peuvent souffrir alors d’un malaise temporaire ; mais qu’on ne s’inquiète pas : cette masse de numéraire s’évapore un instant en gouttes de pluie, ou si l’on veut en gouttes d’or, et au bout de trois ou quatre semaines elle retourne par mille conduits et par des courans inévitables dans les grands réservoirs de la fortune publique. Jusqu’ici nous ne nous sommes occupé que des rentiers qui venaient recevoir eux-mêmes leurs dividendes ; il y en a beaucoup d’autres qui ne se dérangent nullement pour cela, et qui, retenus à la campagne, se font représenter par une sorte de procuration qu’on appelle ici a power of attorney. Ce n’est point le cas de dire que les absens ont tort, car les absens sont au contraire servis avant les autres. Les deux premiers jours qui suivent l’échéance des dividendes sont consacrés à délivrer ces mandats, déposés par les rentiers de la province entre les mains de leur banquier ou de leur agent à Londres. La nouvelle en part le soir par la poste, de telle sorte que 180,000 stock-holders de la Grande-Bretagne peuvent le même jour ou recevoir leur argent, ou apprendre du moins qu’un autre l’a reçu pour eux. Je passe sur beaucoup d’autres détails qui se rapportent à la question de la dette publique ; il suffira de dire, pour donner une idée générale de l’étendue des travaux administratifs, que dix salles leur sont consacrées, qu’ils occupent quatre cents personnes et remplissent d’écritures plus de dix-sept cents registres, véritables livres sibyllins de la civilisation moderne. La Banque reçoit pour ce service, — à raison de 300 livres sterling pour les premiers 600 millions de la dette, et à raison de 150 pour le reste, — en tout 190,000 livres sterling par année. Ce qu’il y a ici de tout particulier est une administration indépendante qui fait les affaires du gouvernement, qui se place comme un lien entre la nation et les pouvoirs représentatifs, et qui resserre ainsi de part et d’autre la confiance. Quel autre régime que celui de la liberté pourrait ainsi mettre la main de l’état dans la main de la nation ?

Non contente de tenir avec une sévère exactitude les comptes présens du grand-livre, la Banque d’Angleterre attache une grande importance à conserver toutes les archives de la dette nationale. Un escalier de pierre étroit et tournant me conduisit à une bibliothèque, stock-office-library, dont l’entrée se trouve gardée par une grille de fer, et où le public n’est point admis. C’est un bâtiment à cinq