Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/780

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tunes diverses, quelquefois même orageuses, tout en accroissant d’année en année son importance et ses services. Les privilèges de la compagnie, qui avaient été d’abord limités à onze années, furent ensuite renouvelés et étendus à plusieurs reprises par des actes du parlement. Il est vrai que chaque nouveau bail, si l’on peut l’appeler ainsi, était une occasion pour l’état de contracter de nouveaux emprunts ou d’obtenir de l’argent sous diverses formes. La Banque achetait ainsi le droit de vivre. Une fois érigée en institution, elle marquait par plus d’un épisode curieux son influence sur le développement des affaires publiques. Ce n’est pas toutefois sur le passé de l’établissement que nous voudrions beaucoup insister ici[1] : n’est-ce point l’état présent de la Banque d’Angleterre qu’on désire surtout connaître ? Il n’est guère dans tout Londres de grande artère plus animée par la circulation que celle qui conduit de Charing-Cross vers la maison du lord-maire (Mansion-house). L’étranger curieux d’observer la physionomie de cette route tumultueuse fera bien de monter sur le toit d’un omnibus. À mesure qu’il s’approchera du cœur de la Cité, il verra s’épaissir une forêt d’hommes, — forêt mouvante comme celle de Birnam dans Macbeth. C’est à dessein que je parle des hommes, car aux abords de la Cité le nombre des femmes diminue d’une manière visible, si ce n’est peut-être un genre de femmes qu’attire le miroitement de l’or, comme la lumière attire les moucherons. On peut dire aussi que les figures changent de caractère : les passans se distinguent dans Cheapside par une démarche rapide et affairée, un air sérieux et cette inquiétude grave qui couve de grandes négociations toutes prêtes à éclore. Encore un pas, et vous vous trouvez en effet au centre du monde d’argent (world of money). Si vous vous adossez à la maison du lord-maire, à votre droite se dressent le Royal Exchange (Bourse) et le Stock-Exchange (Bourse des fonds publics) ; en face de vous s’élève la Banque d’Angleterre.

Ce dernier édifice a été fait, comme on dit, de pièces et de morceaux ; mais une main savante s’est chargée de relier entre elles des parties construites à différentes époques et de leur imprimer après tout un caractère d’unité monumentale. La première pierre fut posée dans Threadneedle-street en 1732, sur l’emplacement occupé jadis par la maison et les jardins de sir John Houblon, premier gouverneur de la Banque ; en 1734, le bâtiment, ouvrage de l’architecte George Sampson, était terminé. C’était d’ailleurs une bien petite construction, qui, masquée par une église, Saint-Christopher-le-Stocks, des tavernes et une vingtaine de maisons bourgeoises, était

  1. On peut consulter sur le passé de la Banque d’Angleterre un excellent ouvrage, History of the Bank of England, its times and traditions, écrit par un des officiers mêmes de la Banque, M. John Francis.