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Quand on s’entend avec un entrepreneur pour la construction d’un édifice, pour l’établissement d’une route ou la fourniture du matériel d’un chemin de fer, il est possible de limiter nettement la responsabilité des parties contractantes, de déterminer les qualités du travail à accomplir, d’énumérer les épreuves et les garanties qui constateront la bonne exécution. Que s’il y a malfaçon dans une partie de l’entreprise, cela ne suffit pas pour tout compromettre. Dans un câble sous-marin au contraire, le plus léger défaut de fabrication peut, dans un temps donné, détruire le câble entier, et ce défaut ne sera souvent reconnu qu’après l’immersion, lorsqu’il n’y aura plus moyen d’y remédier. Mais à la difficulté d’apprécier la qualité du travail accompli s’en ajoute une autre au moins aussi grave, résultant des risques d’immersion, qui dépassent tous ceux que l’on rencontre dans les entreprises maritimes les plus hasardeuses. Si ces risques sont laissés à la charge de l’entrepreneur, non-seulement le prix de revient augmente beaucoup, mais encore, et ceci est plus fâcheux, l’entrepreneur doit choisir lui-même le modèle de câble qui lui paraît le plus solide; alors ce choix est fait au point de vue exclusif de l’immersion, et le plus souvent il ne satisfait pas aux exigences d’une bonne exploitation.

Dans les premières années, la seule condition imposée aux entrepreneurs était que le conducteur, immédiatement après la pose, fût propre à la transmission d’une dépêche dans chaque sens : on était imbu de l’idée qu’un câble doit être éternel et que mille dépêches peuvent passer aussi bien que la première; mais l’on sait aujourd’hui que la transmission peut s’opérer sans obstacle pendant quelques jours, quoiqu’il y ait dans la gaîne isolante certains défauts qui la mettront promptement hors de service. Quelquefois, surtout pour les grandes distances, on stipulait une condition de vitesse : le câble devait donner à la minute un nombre de mots déterminé. Cette clause était encore illusoire, car elle ne garantissait pas l’état du conducteur, et d’ailleurs personne n’aurait pu, à cette époque, calculer à l’avance la vitesse dont tel ou tel modèle serait susceptible. On peut maintenant définir plus exactement les conditions d’isolement et de vitesse qu’un câble doit remplir; on sait quel degré de perfection la fabrication peut atteindre et quelle confiance peut être accordée aux expériences de vérification; cependant ces expériences sont encore tellement délicates qu’on ne peut les prendre pour bases d’un marché sans laisser une grande latitude à l’interprétation.

Quant aux risques de l’immersion, on ne doit pas en enlever toute la responsabilité à l’entrepreneur, parce qu’il serait alors trop désintéressé dans la réussite, et que lui seul peut veiller à la fabrication avec les soins minutieux qui garantissent le succès. On ne peut