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sans doute ils sauront faire d’avance une dépense considérable pour s’assurer le bénéfice de ces communications au moment opportun.

Aussi toutes les grandes lignes de télégraphie océanique ont-elles été établies par les gouvernemens ou avec leur concours. Quand elles sont l’œuvre d’une compagnie, elles sont l’objet d’une concession dont les clauses sont aussi variables que les élémens de succès d’une telle affaire. Quelques personnes ont prétendu que les compagnies subventionnées réussissent moins que les compagnies qui agissent en tout à leurs risques et périls. Cette opinion était corroborée par les échecs successifs du câble transatlantique et de la ligne des Indes ; mais nous savons que ces échecs peuvent être attribués à bien d’autres causes. Lorsque les compagnies réclament l’appui de l’état, c’est que les difficultés du travail sont grandes, et que les risques dépassent les bornes que la prudence impose à une opération purement financière. Du reste, il ne faut pas se méprendre sur la nature de l’appui qu’un gouvernement peut fournir. Dans la plupart des cas, le gouvernement anglais, qui a déjà subventionné plusieurs lignes, garantissait l’intérêt du capital employé pendant que le câble fonctionnerait; c’est une restriction qui rend la garantie illusoire, car, lorsqu’un câble fonctionne, il peut payer largement les intérêts du capital, et l’amortissement seul est insuffisant; si l’opération échoue, la garantie disparaît. Quelquefois on a garanti l’intérêt du capital sans condition de réussite; alors la compagnie ne court plus un risque suffisant pour l’engager à bien faire, et le gouvernement assume bénévolement toutes les mauvaises chances. Nous croyons que le mode le plus rationnel d’intervention que puisse adopter un état est de souscrire une partie du capital au même titre que les autres actionnaires, et de renoncer aux intérêts et dividendes jusqu’à concurrence d’une somme qui assure l’amortissement et un revenu brillant, mais non excessif, aux souscripteurs, 10 pour 100 par exemple. Quelque opinion que l’on puisse avoir au sujet de l’intervention de l’état dans les travaux publics, cette intervention nous semble amplement justifiée, dans ce genre d’affaires, par l’intérêt immense que présentent, pour un grand pays, les communications à longue distance. Les dépêches d’état sont et seront toujours rares sur les lignes sous-marines comme sur les lignes terrestres; mais l’importance de ces dépêches à un moment donné domine toute considération pécuniaire.

Qu’une ligne soit établie directement par un gouvernement, ou bien qu’elle fasse l’objet d’une concession à une compagnie financière, l’exécution exige le concours d’un entrepreneur et donne lieu à des marchés dont nous devons parler parce que les conditions diffèrent de celles admises pour les autres grands travaux publics.