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coup de prudence et quelque bonheur on doit arriver à ce beau résultat). Sur 1,000 kilomètres de longueur, on ne peut demander à un câble que 8 mots par minute au plus, soit 480 par heure. Il faut réduire d’abord ce chiffre à moitié, 240 mots, pour tenir compte des avis de service, des transmissions d’heure et de date qui précèdent chaque dépêche, des arrêts forcés entre chaque télégramme, etc. Ce sera par heure 12 dépêches simples de 20 mots; sur une ligne aérienne, on ne dépasse guère 20, Par journée de 24 heures de travail, on peut donc compter 288 télégrammes pour chaque câble, et 576 pour les deux câbles.

La taxe des dépêches sous-marines a été très élevée jusqu’ici; elle s’abaissera sans doute, comme se sont abaissées les taxes sur les lignes terrestres, mais moins cependant, parce qu’une ligne sous-marine ne peut fournir qu’un travail limité. Un prix de 5 francs par 20 mots et par 1,000 kilomètres paraît très raisonnable. Le produit maximum d’une journée de travail serait donc de 2,880 francs, et le produit annuel atteindrait environ 1 million de francs. De cette somme, après déduction de 200,000 fr. pour les intérêts du capital dépensé, de 100,000 francs environ pour les frais d’exploitation, il restera 700,000 francs pour l’amortissement annuel, qui se ferait en six ans. Il y aurait bénéfice ou perte dans l’opération, suivant que la durée moyenne d’un conducteur dépasserait six années ou resterait au-dessous de cette période. Notons bien que ceci est un produit maximum qui suppose que les deux câbles sont toujours en bon état et toujours occupés. Or, pour que deux contrées distantes de 1,000 kilomètres donnent un mouvement quotidien de 600 dépêches, il faut, même sous l’influence d’une taxe réduite, que ces contrées aient des relations commerciales d’une extrême importance, comme l’Amérique du Nord par rapport à l’Europe, les Indes par rapport à l’Angleterre. Sauf ces lignes exceptionnelles, le public fournira rarement le travail d’un fil. Remarquons encore que les risques augmentent rapidement avec la longueur de chaque câble, et qu’en même temps la somme totale de travail diminue. Il est vrai que les taxes peuvent et doivent même être augmentées à proportion. Il n’en est pas moins incontestable que l’entreprise, excellente au point de vue financier lorsque la distance est courte, devient de plus en plus aléatoire et incertaine quand la longueur s’accroît.

Que conclure de ces faits et de ces calculs? C’est que le patronage des gouvernemens est indispensable pour l’extension de la télégraphie sous-marine; en effet, les gouvernemens sont seuls assez riches pour payer dans un cas exceptionnel une dépêche à sa juste valeur. Ils peuvent seuls récompenser par un sacrifice pécuniaire les immenses services que rendent les transmissions lointaines, et seuls