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trop peu tendu, et qu’il agisse par saccades ? Qu’à ce moment même les spires s’entremêlent dans la cale, qu’une coque s’engage entre les freins, il est peu probable que le câble puisse résister. Tout dépend donc du temps, et comme l’immersion du câble le plus long ne peut exiger une huitaine de jours, on conçoit que des marins expérimentés sauront toujours trouver dans le cours d’un été la série de beau temps nécessaire. Les risques inhérens à l’entreprise ne doivent plus être un sujet d’effroi pour les capitalistes et un motif de surenchère exorbitante pour les entrepreneurs.

Nous ne parlerons pas des freins automoteurs, des appareils plus ou moins compliqués qui ont été proposés par des ingénieurs peu familiarisés avec les difficultés du travail. Les mouvemens spontanés du navire déroutent singulièrement les prévisions. Toute machine compliquée est par elle-même un danger, parce que le plus mince accident peut entraver sa marche. Les hommes pratiques n’ont pas essayé davantage les parachutes destinés à modérer la vitesse du câble, et à le maintenir pour ainsi dire entre deux eaux. Quelques ingénieurs ont proposé d’enrouler le câble sur des treuils, de telle sorte que l’émission aurait lieu comme pour une ligne de loch. La masse des treuils qu’il serait difficile de loger, la mise en mouvement, les pressions considérables que supporteraient les tourillons, paraissent des obstacles insurmontables à la réalisation de cette idée.

La longueur de câble immergée dépasse toujours la distance réelle des deux points d’atterrissement. Cet excès, qui s’est élevé jusqu’à 40 pour 100 pour le câble lourd du cap Spartivento à Bone, est descendu à 7 pour 100 pour le dernier câble posé entre l’Angleterre et la Hollande, dans une eau très peu profonde. Lorsque l’opération est bien conduite et favorisée par le temps, il faut prévoir une perte d’environ 10 à 12 pour 100 en mer profonde ; mais des accidens peuvent survenir, il est donc prudent d’embarquer un excédant de 20 pour 100 au moins sur la distance à franchir, afin de parer au déchet normal et aussi aux erreurs de route qu’il est à propos de prévoir.

Nous avons suivi toutes les phases de la fabrication et de la pose d’un conducteur sous-marin. Quand le câble est immergé et mis en exploitation, l’œuvre de l’électricien n’est pas terminée. Il lui faut maintenir en bon état la communication qu’il vient d’établir. Pendant longtemps, les ingénieurs crurent qu’un câble immergé devait se conserver sans altération, et qu’au bout de cinquante ans on le retrouverait aussi parfait que le premier jour. Loin de là : sans compter les accidens, facilement réparables, que la violence de la mer produit au point d’atterrissement, il y a encore à craindre les dé-