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de l’électricité. Les premiers essais de ce genre remontent à l’origine même de la télégraphie électrique en Angleterre. Il semblait impossible au premier abord de maintenir des fils en l’air sur une grande étendue sans qu’ils fussent brisés par malveillance, et l’on aurait accueilli avec une parfaite incrédulité quiconque aurait prédit que, sur un réseau de 35,000 kilomètres (c’est à peu près l’étendue actuelle du réseau français), il n’y aurait pas dans une année une tentative de destruction volontaire. On commença donc par poser dans des auges en bois des fils recouverts de coton goudronné; puis, ce procédé étant insuffisant, on recouvrit les fils avec des bandes de caoutchouc ; mais le caoutchouc attaque le cuivre et se transforme promptement, au contact de ce métal, en une poix visqueuse et semi-fluide. C’est alors que la gutta-percha fut essayée.

La gutta-percha est le suc desséché d’un arbre qui croît à l’état sauvage dans toutes les îles de l’Océan-Indien, et surtout dans la presqu’île malaise, les îles de Bornéo, de Java et de Ceylan. La gutta circule à l’état liquide entre l’écorce et l’aubier, les naturels entaillent l’écorce pour la recueillir sans détruire l’arbre, comme on recueille la résine dans les forêts de plus des Landes; mais ce procédé n’en donne qu’une petite quantité, et l’on ne put répondre à la demande croissante du commerce européen qu’en recourant à d’autres moyens. On récolte maintenant la gutta-percha dans l’île de Java en abattant des arbres ordinairement âgés de trente-cinq années, ayant une hauteur de 15 à 20 mètres et une circonférence de 2 mètres. Chaque arbre donne de 7 à 8,000 kilogrammes de suc; on fait bouillir la masse et on la coupe en lanières pour en faire les gâteaux qui se trouvent dans le commerce.

Les indigènes employaient cette substance à différens usages : le docteur Montgommery, chirurgien à Singapore, l’introduisit en Europe en 1822, et depuis ce temps la consommation s’en est prodigieusement accrue; aucune précaution n’étant prise pour propager la culture des arbres qui la fournit, la matière devient plus rare sur les lieux de production, et le prix, qui n’était que de 2 francs le kilogramme à l’origine, est aujourd’hui trois ou quatre fois plus élevé. Il en est résulté des falsifications nombreuses; les blocs qui arrivent en Europe contiennent des résines, des goudrons de nature inférieure, souvent même du fer et des pierres qui en augmentent le poids. Dans les manufactures, on commence par séparer à la main et le mieux possible ces matières étrangères, puis on répartit les blocs entre les divers travaux suivant leur état de pureté, et en réservant les plus purs pour les fils télégraphiques; ils sont découpés en petits morceaux et jetés dans l’eau bouillante ; lorsque la matière est bien ramollie, on la tamise à travers une gaze fine, on la pétrit,