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de soie très fin dont la pesanteur spécifique était à peu près égale à celle de l’eau, il fut possible de faire pénétrer la sonde à quelques milliers de mètres; puis le commandant Maury eut l’idée de mesurer la durée de la descente du boulet. Il s’aperçut que ce boulet mettait à parcourir 100 mètres un temps de plus en plus long à mesure qu’il s’enfonçait davantage : ainsi il fallait environ une minute pour descendre de 900 à 1,000 mètres, une minute et demie de 1,900 à 2,000, deux minutes de 2,900 à 3,000. Quand le boulet avait atteint le fond, le fil se déroulait encore, mais alors avec une vitesse uniforme, car il ne se déroulait que par l’action des courans, et le poids n’y était plus pour rien. Cette loi des temps permit de faire des sondages à toute profondeur; à défaut d’un choc au moment où le plomb atteignait le sol, le chronomètre indiquait que l’on devait s’arrêter. Bientôt les marins formés à ce travail par une longue pratique surent reconnaître au plus léger frémissement de la corde le moment précis où le boulet touchait le fond.

Cependant on pouvait encore conserver des doutes sur l’exactitude de ces sondages, car il n’y avait pas de preuve matérielle que l’on eût atteint le fond. M. Brooke, officier de la marine des États-Unis, vint combler cette lacune en inventant une sonde composée de deux parties, un tube en fer et un boulet. Au moment où le tube frappe un corps dur, le boulet se détache spontanément, et alors le tube, qui n’a qu’un faible diamètre et n’offre guère de résistance à l’eau, peut être ramené avec la ligne. Il porte à sa partie inférieure une cavité qui retient quelques parcelles du fond sur lequel il s’est reposé. On eut ainsi non-seulement la certitude d’avoir atteint le sol, mais aussi un échantillon de ce sol, et même on put recueillir quelques gouttes d’eau puisées à ces grandes profondeurs.

On conçoit que ces observations exigent des soins minutieux et une grande habileté, qui ne s’acquiert que par l’expérience. L’Océan est rarement calme; il faut souvent opérer par une mer houleuse, avec des vents qui font avancer le navire ou au milieu de courans qui l’entraînent à la dérive. Il importe donc d’agir aussi rapidement que possible, et pour arriver à ce but, les Anglais ont adopté une méthode un peu différente de celle de M. Brooke. Ils mesurent la profondeur en laissant descendre un plomb de sonde lourd et large avec une ligne mince et légère qui pourrait à peine le supporter; puis, quand ce plomb est arrivé au fond, ils le halent à bras d’hommes ou avec le cabestan jusqu’à ce que la ligne casse. Il est clair qu’à ce moment la ligne est aussi rapprochée que possible de la verticale; elle ne décrit plus les sinuosités qu’avaient causées les courans. Pour obtenir un échantillon du fond, on descend la sonde avec un tube creux sans se préoccuper de la profondeur. Un son-