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aux premières difficultés que rencontreraient nos premiers tâtonnemens dans une œuvre semblable. Les Anglais nous sont beaucoup moins supérieurs dans les œuvres d’initiative privée que ne le disent chez nous les nonchalans et les sceptiques. S’ils avaient une supériorité sur nous, ils ne la devraient qu’à leur persévérance, et celle-là, nous ne la leur laisserions que par notre faute. Peu à peu, grâce à la persévérance, l’organisation charitable anglaise s’est étendue et simplifiée; mais elle conserve toujours le caractère de son origine, l’initiative privée, et là est sa force.

Dans l’étude dont on veut bien nous fournir les élémens, il faut donc commencer par voir à l’œuvre les principaux ressorts de l’organisation charitable, le comité central de Manchester et le comité du lord-maire, rappeler comment s’est alimenté le budget de ces comités, examiner comment ils répartissent leurs secours. On rencontre ensuite les agens directs de la distribution des secours, les comités locaux, et un des modes les plus intéressans de l’application de la charité, les écoles. Dans cette première partie de l’investigation, on s’attache aux formes de l’organisation collective de l’œuvre de la charité subventionnée et soutenue par l’initiative privée. Cette œuvre collective s’est développée sans arrêter les efforts généreux des particuliers dans leurs rapports directs avec les ouvriers, au contraire en se combinant avec la distribution des secours particuliers, en l’excitant ou en la complétant. Il est curieux de voir à cet égard ce qu’ont fait les manufacturiers et de considérer leur situation. A côté de la charité collective et de la charité privée, la charité légale, si fortement assise en Angleterre, a continué son action, et il est instructif de connaître comment elle l’a appropriée à une situation si extraordinaire. Enfin par ces divers canaux on pénètre à la classe souffrante, à cette couche sociale qui concentre en elle tout l’intérêt de cette étude.


I. — REUNION DES RESSOURCES ET REPARTITION DES SECOURS. — LE COMITÉ CENTRAL . ET LE COMITÉ DU LORD-MAIRE.

Au début de la crise, chacun avisait à sa fantaisie, et le public, inquiet du mal, mais ne voyant pas encore le remède, demeurait incertain. Tandis que les uns voulaient chercher ce remède dans une simple élévation de la taxe des pauvres, d’autres dans un prêt ou un don national (un crédit extraordinaire, comme nous dirions chez nous), que d’autres enfin repoussaient les souscriptions étrangères au comté comme inutiles et injurieuses, des comités de secours se formaient déjà dans les grands centres manufacturiers. Le principal était celui de Manchester, présidé par sir James Kay Shuttleworth,