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plus belles apparences de vie et d’avenir. Comme il est en possession de pourvoir à des besoins qui intéressent la vie des peuples, il semble aussi nécessaire, aussi permanent que l’état social et que la nature humaine. Remarquez en effet que les castes exercent une partie de la souveraineté : c’est en cela qu’elles consistent. Leur privilège est de rendre à la société des soins qui ne sont pas moins que la matière des services publics, des départemens ministériels, comme nous disons aujourd’hui. À ce compte, une caste menacée par le peuple ou par le monarque peut faire une vigoureuse défense, qui est de suspendre son œuvre, c’est-à-dire l’exécution du service public qu’elle accomplit à titre privé. Qu’on se figure la justice, l’enseignement, la charité, le service religieux ou militaire interrompus en tous lieux... Il ne peut arriver pis à une société : ce chômage vaut une invasion, une révolution, une excommunication, un fléau quelconque. On peut croire que, par ce trouble, par ce retrait de vie dont elles ont la main pleine, les castes auront raison de l’entreprise royale ou populaire. Elles semblent par là défier et interpeller la société tout entière : pâtissez, croulez, lui disent-elles, ou luttez pour nous.

Quant aux localités qui sentent leur droit menacé, le cas est encore plus simple. Comme elles ont des murailles, des milices, comme elles sont place forte et se gardant elles-mêmes, la façon de leur résistance est tout indiquée : elles n’ont qu’à fermer leurs portes et armer leurs murailles.

C’est en cet état que le droit nous apparaît dans l’ancienne France jusqu’à Louis XIV, avec quelques débris jusqu’en 89.

Au contraire, lorsqu’une société est au régime du droit commun et de la souveraineté nationale, cette forme du droit se défend d’une tout autre façon qui semble, au premier coup d’œil, des moins rassurantes. Voici pourquoi. Cette société, libre, mais nullement anarchique, a confié toutes les forces publiques au pouvoir exécutif, et cela justement parce qu’elle est souveraine. Comme il n’appartient qu’à elle de légiférer et de gouverner, elle ne va pas disperser l’exécution de ses volontés générales ou particulières parmi des pouvoirs indépendans qui, rétifs ou inertes, obéiraient mal. Elle chargera de cette exécution un agent unique et responsable; mais par cela même elle confiera à cet agent toutes les forces organisées de l’état, qui ne sont pas de trop pour une telle œuvre et pour un tel cas de responsabilité. De là le pouvoir exécutif tel que nous le connaissons.

Maintenant il faut supposer la rébellion de ce mandataire contre la nation, l’attentat du pouvoir exécutif contre son juge et maître. L’hypothèse est forte, mais non chimérique. Où s’appuieront alors