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pote, qui fut quelquefois prodigieux, pour le mérite organique du despotisme.

Cependant tel est le droit de la France sur elle-même, que le jour où la question est posée en termes précis entre la liberté et le despotisme, celui-ci, avec toutes ses traditions et ses armées, périt misérablement. C’est ce qui parut bien en 1830. Mais, laissant de côté les faits contemporains, nous considérerons, soit en théorie pure, soit dans une histoire plus distante et plus reposée, la question qui nous occupe. Quand les événemens semblent se contredire sous nos yeux, il est bien permis de remonter plus haut et d’interroger la raison ou la tradition : on démêlera peut-être par là dans les choses du temps le normal et l’accidentel, ce qui devait arriver et ce qui est arrivé par hasard, par exception du moins.


III.

Pour revenir à cette question, qui veut être prise de haut et de loin, nous serions tenté de la poser ainsi : — que faut-il souhaiter à une société? Des droits çà et là parmi des corps, des localités; droits organisés et armés en pouvoirs publics? — ou bien le droit partout, droit égal pour chacun, avec un organe et une garantie telle que la nation elle-même, souveraine et représentée ? En d’autres termes, est-il bon que les attributs de la souveraineté, — justice, enseignement, milice, religion, — soient partagés entre différens corps comme autant de propriétés? N’est-il pas meilleur de reconnaître une chose publique, la société comme unique souveraine de cette chose, l’état comme unique gérant de cette souveraineté ? L’idéal politique n’est-il pas qu’il y ait une seule machine de gouvernement comme un seul principe de souveraineté?

Cela revient à savoir lequel vaut mieux du privilège ou du droit commun, celui-ci institué et gardé par la nation, celui-là existant par lui-même et se défendant comme un pouvoir qu’il est. L’un et l’autre ont l’insigne mérite de faire échec au pouvoir absolu, ce qui importe à l’honneur des peuples et à leur avancement régulier; mais lequel y réussit mieux? C’est à cette épreuve qu’il faut juger les deux régimes. Peu importe la supériorité intrinsèque et absolue de l’un sur l’autre. Celle du droit commun est manifeste; seulement il faut considérer ici, outre la valeur du droit, sa vitalité, son inviolabilité, car après tout mieux vaudrait encore un droit inférieur supérieurement assuré que de grandes apparences, de grandes professions de droit, sans garantie virile et inexpugnable.

Examinons. Quand le droit est répandu parmi des castes, il a les