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losophie de l’histoire, cet aspect des choses, sous le nom de socialisme, n’est guère parmi nous qu’une étude et une science de sectaire, et je dois dire que les sectes n’ont rien négligé pour en faire un objet de franche déplaisance. Quant à nos hommes d’état, quant à nos historiens philosophes, la considération des causes économiques et du bien populaire n’est pas précisément le point de vue qui les attire, ni le soin qui les obsède.

La base économique, qu’on la néglige ou non, n’en est pas moins une base politique aux États-Unis : c’est elle qui porte la souveraineté populaire. Les influences morales nées de la race et de l’histoire tiennent à coup sûr une place considérable en ce pays : elles font vivre ce que les circonstances physiques ont fait naître ; mais, à quelque point de vue que l’on s’attache, le régime des communes américaines, chose secondaire et dérivée, ne peut compter parmi les sources directes du régime politique. Sans doute la liberté locale se rencontre, soit aux États-Unis, soit en Angleterre; mais parce que cette liberté appartient à deux pays qui se gouvernent eux-mêmes, vous n’en pouvez conclure qu’elle soit le principe du self government. Vous pourriez aussi bien dire que la liberté politique procède dans ces deux pays de la navigation ou de la monnaie de papier, qui sont florissantes dans l’un comme dans l’autre.

Quand, apercevant quelque part la liberté locale, vous attribuez à ce principe la liberté politique, l’analogie des mots vous trompe sur la filiation des choses, lesquelles sont liées par un rapport de coexistence et non de génération. Il n’est pas dit que toutes les libertés se préparent et s’enchaînent les unes les autres. Une nation peut être libre politiquement sans l’être en fait de religion ou de commerce. Qui le sait mieux que l’Angleterre, intolérante, exclusive comme elle le fut si longtemps à l’égard des dieux et des produits étrangers? D’un autre côté, un pays pourrait rendre la main aux communes, abolir les prohibitions de douanes, tolérer les protestans et les juifs, etc., sans jouir précisément pour cela de la liberté politique : c’est un état de choses qu’il nous est aisé de concevoir. Toute liberté qui n’est pas politique peut être un trait de mœurs particulier ou la concession d’un pouvoir intelligent, sans tirer autrement à conséquence.


II.

Ainsi d’une part la liberté politique qu’on voit en Angleterre et aux États-Unis ne tient pas à la liberté des communes; d’un autre côté, nous avons déjà démontré que, sous le régime complexe et puissant de la centralisation, la dépendance des communes n’im-