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mes jours, il se débat dans les angoisses de la mort contre l’horreur des vagues ! (La foudre éclate au dehors avec le bruit de la grêle et de la bourrasque.) Dieux ! Ce fracas m’épouvante ! (Elle veut fuir et rencontre les bras de Bactis.) Bactis !…


SCÈNE IV.
MYRTO, BACTIS.


MYRTO.

Dieux propices ! tu m’es rendu ! (lis se tiennent embrassés.) Oh ! dis-moi d’où tu viens ! Non, ne dis rien ! ne me quitte plus ! Je vais te cacher, car ils te cherchent, n’est-ce pas ?… Mais tu as pu fuir ?

BACTIS.

Non, ma bien-aimée, je n’ai pas fui, je reviens !

MYRTO.

Tu es donc libre ?

BACTIS.

Non, mais je souhaitais tant de te revoir, ne fût-ce qu’un instant ! Une main toute-puissante m’a ramené près de toi,

MYRTO.

Quelle main, dis ? Explique-moi tout.

BACTIS.

Cette austère et magnanime fille du Destin qui nous avait promis sa protection m’est encore apparue ici peu d’instans après, au moment où un lâche voulait s’emparer de moi. Elle m’a dit de la suivre ; mais à peine étions-nous entrés dans le bois que, d’un vol aussi rapide que le désir et la pensée, elle m’a fait franchir les abîmes de l’espace. Heureux et confiant comme dans un rêve, je me suis trouvé tout à coup sur un navire, au milieu du tumulte d’un combat, non loin des îles Arginuses, dont les pâles récifs percent les eaux bleues de la mer Egée. J’ai combattu avec transport ; je songeais à toi, Myrto ! Nous avons vaincu et repoussé l’ennemi, et quelques-unes de nos trirèmes ont même réussi à lui arracher nos blessés et nos morts. Comme nous achevions de rendre à ceux-ci les honneurs funèbres, j’ai vu qu’avec une flèche trempée dans leur noble sang on écrivait mon nom sur une voile, parmi ceux des plus braves Athéniens. Alors, cédant à la fatigue, je m’appuyai contre un mât, je fermai les yeux, je prononçai ton nom chéri… Il me semble qu’il n’y a qu’un instant, car mes yeux à peine clos se sont rouverts près d’ici, et j’ai vu à mes côtés celle qui protège et bénit nos amours.

MYRTO.

N’as-tu pas rêvé tout cela, Bactis ? Je ne puis croire… O dieu ! qu’as-tu donc là ? Du sang, une blessure ?

BACTIS, souriant.

C’est la preuve que je n’ai pas rêvé, Myrto.

MYRTO.

O le plus vaillant et le plus aimé des mortels, reste avec moi toujours !