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Les compagnies en carré, l’artillerie au centre, un détachement d’infanterie européenne et les spahis en avant-garde, les laptots en flanqueurs, tel fut l’ordre adopté. Quant aux contingens indigènes, ils avaient pris une autre route pour déboucher derrière Guémou en même temps que notre colonne.

Pour l’avant-garde, que conduisaient les guides indigènes, pour le corps principal, qui suivait de près l’avant-garde, et qui d’ailleurs avait aussi des guides, cette dernière partie de la route n’offrit sans doute aucune difficulté ; nous autres flanqueurs isolés et sans guides, nous fumes moins heureux. Des herbes d’une hauteur démesurée dans lesquelles nous disparaissions, même à cheval, couvraient le plateau et nous cachaient le reste de la colonne. Chaque fois que les clairons indiquaient par leurs sonneries la direction à suivre, il fallait bien reconnaître que nous faisions fausse route. Cette incertitude, ces rectifications, jointes aux difficultés de la marche à travers les grandes herbes, à la chaleur du soleil, dont les rayons commençaient à échauffer l’atmosphère, étaient extrêmement fatigantes. La vue de Guémou nous fit tout oublier. Les laptots prirent un pas allongé tellement rapide que nous arrivions presque en même temps que l’avant-garde au point où nos instructions nous prescrivaient de faire halte et d’attendre de nouveaux ordres.

Quelques secondes après, le commandant Faron accourait au grand galop de son cheval, examinait la position et arrêtait son plan d’attaque. Tout d’abord, avec l’avant-garde, les fuséens et les laptots, nous devions, en attendant l’arrivée de la colonne, mettre en batterie deux obusiers de montagne à 300 mètres des murailles, essayer de faire brèche, et balayer en tout cas, par des obus et des fusées, les abords du village. Nous nous hâtâmes d’exécuter ces ordres. Le village de Guémou, rebâti par Al-Agui et transformé par lui en forteresse, s’élevait au milieu d’une plaine légèrement ondulée, couverte de riches cultures. De loin en loin, des baobabs, des tamariniers élevaient dans l’air leurs troncs immenses et leur épais feuillage. L’un d’eux, et le plus grand de tous, semblait marquer le centre du village, ou du moins quelque point important. Un amas confus de murailles plus hautes que les cases ordinaires, bâties comme celles de Guetn’dar, se groupaient sous son ombre. C’était ou la maison de Sirè-Adama ou la mosquée mahométane. Une muraille crénelée, à redans et bastionnée de distance en distance, entourait le village d’une ceinture régulière ; elle affectait la figure d’un trapèze dont la grande base semblait être le côté devant lequel nous avions débouché. Des ouvertures destinées à servir de portes se voyaient aux deux angles de la base. Il était en outre facile de reconnaître que chaque quartier, chaque groupe de cases un peu considérable était lui-même entouré de murailles en terre der-