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ACTE CINQUIÈME.
SCÈNE PREMIÈRE.
MERCURE, CHRÉMYLE.


MERCURE.

Eh bien ! les voilà tous persuadés. Ne t’ai-je pas fait parler mieux qu’un oracle ? N’as-tu pas été applaudi comme un nouveau Phrynichus ?

CHRÉMYLE, soucieux.

Je ne connais pas Phrynichus, mais je ne puis m’empêcher de trouver bien osée la chose que tu me fais faire ! Détrôner tous les dieux, et Jupiter lui-même, pour inaugurer dans nos campagnes le culte unique de Plutus ! c’est un peu fort, vois-tu, et je ne sais comment ma bouche a pu se prêter à ton conseil. Il faut que tu m’aies ensorcelé !

MERCURE, riant.

Allons, allons ! tranquillise-toi. Le monarque des dieux n’est-il pas celui-là seul qui nous fait du bien ? Jupiter lui-même n’a-t-il pas détrôné son père au temps jadis, et les choses en ont-elles marché plus mal ? Les nouveaux dieux sont toujours généreux et accessibles, et il est bon de ne pas les laisser durer trop longtemps.

CHRÉMYLE.

C’est vrai, mais j’avais l’habitude d’invoquer Jupiter le premier, et la langue me tournera plus d’une fois quand il me faudra nommer l’autre à sa place.

MERCURE.

Belle raison à donner que l’habitude ! C’est une raison de paysan. Vois quelle économie de temps et d’argent ce nouveau culte va vous procurer ! Au lieu d’une armée de divinités, vous n’en aurez plus qu’une à réjouir par vos sacrifices.

CHRÉMYLE.

Et cependant, toi, Mercure, ne seras-tu pas fâché contre nous, si nous cessons de t’offrir le pain trempé dans le vin, le miel, les confitures et les autres choses dont tu es friand ?

MERCURE.

Moi, c’est différent. Je suis le bras droit et le guide de Plutus ; vous me sacrifierez en même temps qu’à lui.

CHRÉMYLE.

Mais Apollon qui me l’avait annoncé et promis… Je ne voudrais pas montrer de l’ingratitude à ce dieu-là !

MERCURE.

Ce dieu-là ne se nourrit que par les oreilles. Vous lui offrirez une chanson de temps en temps.