Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/514

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cuba formula un ultimatum très sévère, sans sortir toutefois des instructions-du ministre d’état. Cet ultimatum portait ni plus ni moins ce qui suit : « Remise du château de Saint-Jean-d’Ulloa, engagement de payer les frais de l’expédition. Si, dans le délai de vingt-quatre heures, il n’y a pas une réponse affirmative et sans condition, on tiendra cela pour un refus, et les hostilités seront ouvertes. » Messieurs, je n’ai rien vu de plus sévère. Accorder vingt-quatre heures pour l’acceptation sans conditions de ce qui est réclamé ! cela démontre bien, il me paraît, que nous n’allions pas ouvrir des négociations pacifiques. » Et en réalité qu’avait fait l’Espagne le jour où elle était entrée, sans même attendre la France et l’Angleterre, bannière déployée, à la Vera-Cruz, en abattant le drapeau mexicain et en prenant possession de la ville ? Il est donc assez difficile de comprendre comment, le principe de l’expédition admis, une attitude d’hostilité vis-à-vis de Juarez pouvait être une déviation du traité de Londres, lorsque la présence de dix mille soldats européens sur le sol du Mexique était assurément la guerre.

Était-ce cette question de monarchie qui pouvait subitement effaroucher l’Espagne et devenir un motif de rupture le jour où elle apparaissait ? Mais ce qui est étrange, c’est l’étonnement que semble montrer aujourd’hui le cabinet de Madrid et l’influence qu’il attribue à ce fait, puisqu’il est maintenant démontré qu’il n’ignorait rien. Dans les dernières discussions du sénat espagnol, M. Bermudez de Castro interpellait directement M. Calderon Collantes, qui avait paru nier qu’il eût eu connaissance de ces projets, et qui répondait encore cette fois : « Le gouvernement a dit dans le congrès qu’on ne lui avait fait aucune communication formelle au sujet de l’établissement au Mexique d’une monarchie et du prince qui devait occuper le trône. Le gouvernement a dit alors cela, et il le soutient aujourd’hui. » Malheureusement M. Calderon Collantes jouait ici sur les mots en se réfugiant dans une équivoque, et peu de jours après, dans le congrès, M. Mon est venu démontrer que dès le 13 octobre 1861 il avait fait part à son gouvernement des vues de la France ; seulement c’était sous la forme d’une lettre particulière. Le cabinet de Madrid ne connaissait pas moins ces projets, et il les connaissait si bien qu’après avoir attendu deux mois, pressé par M. Mon, il répondait enfin : « D’après la volonté de la reine, je dois manifester à votre excellence que comme il en a été fait part au général Prim dans ses instructions, le gouvernement verra avec plaisir l’établissement au Mexique d’un pouvoir solide et stable, mais que soit que ce pouvoir s’établisse sous la forme monarchique, la plus préférable incontestablement, soit qu’il prenne une forme moins sûre, l’Espagne désirera toujours que le choix soit l’œuvre exclusive des Mexicains… » M. Calderon Collantes ajoutait, il est vrai, que si une. monarchie devait être créée, le gouvernement de la reine jugerait plus conforme aux traditions historiques le choix d’un prince de la maison de Bourbon. En parlant ainsi, il ne montrait pas moins qu’il savait tout, et s’il connaissait cette circonstance dès le 13 octobre, s’il ne se tenait pas aussitôt en garde, c’est qu’il n’y pouvait voir une cause d’incompatibilité avec la France, là raison d’un futur conflit dans les limites mêmes du traité négocié entre les trois puissances.

Soit, dira-t-on : le gouvernement espagnol n’ignorait ni les projets de monarchie, i la candidature de l’archiduc Maximilien ; mais il voulait que la