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une tendance naturelle à se diriger sur les points où le loyer des capitaux est relativement le plus élevé. En d’autres termes, ils suivent la loi de l’offre et de la demandé, et quittent le marché le moins cher pour aller sur le marché le plus cher. C’est donc un point très délicat dans le gouvernement des banques que la fixation du taux de l’escompte à son niveau véritable, tel qu’il résulte de la situation du marché. Sir Robert Peel, qui avait étudié toute sa vie la question des banques, qui avait vu les fâcheux effets du cours forcé des billets, dont le premier titre de gloire fut la reprise des paiemens en espèces, était si frappé des difficultés qui entouraient les gouverneurs des banques dans la fixation du taux d’intérêt et du danger qui pouvait suivre leurs erreurs d’appréciation et leurs fausses mesures, qu’il avait voulu dérober autant que possible aux gouverneurs de la Banque d’Angleterre la liberté de leur initiative à cet égard. La Banque d’Angleterre, telle qu’il l’a réformée, est en quelque sorte pour la fixation du taux de l’escompte un instrument automatique ; elle est tenue d’abaisser l’intérêt ou de l’élever en quelque sorte machinalement suivant le rapport existant entre la réserve métallique et la réserve des billets ; elle ne fait pour ainsi dire que marquer le taux de l’intérêt comme une montre marque l’heure, comme un thermomètre marque le degré de la température.

Malgré les inconvéniens accidentels du système de sir Robert Peel, on est tenté de regretter qu’il ne règne point en France, quand on voit la lutte des intérêts qui s’agitent autour de notre Banque toutes les fois que sa situation commande un changement du taux de l’escompte. Aujourd’hui, par exemple, contre une élévation devenue nécessaire, on oppose à l’intérêt de la Banque l’intérêt de la Bourse. Que la Banque se procure de l’or comme elle voudra ! crie la spéculation, mais qu’elle se garde bien de provoquer la baisse des valeurs par une élévation de l’escompte ! Nous ne croyons point que l’antagonisme d’intérêts que l’on met en ayant soit, dans les circonstances présentes, aussi fondé qu’on le donne à entendre ; mais quand il le serait, l’intérêt dominant doit être le crédit de la Banque. Il importe que ce crédit ne puisse pas être mis en question un seul jour et que le doute que la Banque pourrait être réduite à ne point rembourser ses billets en espèces n’entre pas un seul moment dans les esprits. Avec un encaisse de 268 millions, qui tend, dit-on, à décroître, il est urgent d’aviser. Si l’on ne mettait pas le taux de l’intérêt en rapport avec la situation du marché, on donnerait un encouragement à la sortie des espèces, et, pour avoir ajourné la difficulté, on s’exposerait à la rencontrer bientôt plus pressante et plus formidable ; mais il est faux que l’intérêt bien entendu du crédit de l’état et des grandes entreprises soit en ce moment contraire à l’intérêt de la Banque. La spéculation seule peut avoir la pensée de tenir la Banque en échec pour se tirer de ses engagemens téméraires. Cette spéculation, depuis plusieurs mois, emprunte l’argent à un taux bien plus élevé que celui de la Banque : au fond, elle se soucie peu de payer de gros intérêts, pourvu qu’elle conserve la chance de réaliser de gros profits par la vente de