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Californie a prouvé que l’or, à l’exemple des métaux plus vulgaires, peut exister sur de très grandes étendues, enfermé dans l’intérieur des roches, ou épanché à leur surface, qu’il a été amené au jour par des révolutions géologiques tout aussi puissantes que celles qui ont produit sur nos vieux continens ces mines de plomb ou de cuivre que nous y exploitons depuis tant de siècles. Les faits qu’on observe sur la Sierra-Nevada californienne conduisent à penser que l’or est peut-être bien plus abondant sur la surface de la terre qu’on n’a pu le croire d’abord ; on sait que l’observation attentive de ces montagnes conduisit le mineur Hargreaves, originaire de la Nouvelle-Galles, à affirmer que les montagnes de son pays devaient renfermer de l’or, et qu’ainsi furent découverts les trésors de l’Australie.

On pourrait dire que la Californie a vulgarisé l’or, et à ce titre elle n’est peut-être pas étrangère à ce grand accroissement d’activité industrielle qui, dans l’Europe occidentale, a marqué la dernière période décennale. Ce qu’elle a fait pour l’or va-t-elle le faire pour l’argent ? On serait presque tenté de le croire : non pas qu’elle renferme elle-même, ainsi qu’on l’avait annoncé sans raison, des filons d’argent de richesse fabuleuse, mais parce qu’elle peut livrer à profusion, pour ainsi dire, un autre métal jusqu’ici fort rare et fort cher, le mercure, agent indispensable de la production de l’argent sur toutes les mines du Nouveau-Monde. On a découvert en effet dans les montagnes de la côte, en Californie, non loin de San-Francisco même, des filons de mercure sulfuré qui, attaqués depuis quelques années à peine, produisent déjà plus de 1,340,000 kilogrammes de vif-argent, presque autant que toutes les autres mines du monde prises ensemble. Le mercure se vendait autrefois à San-Francisco de 7 à 8 francs le kilogramme, il ne vaudra bientôt plus que 3 ou 4 francs. Nul doute que ce grand abaissement de prix du mercure ne produise un grand accroissement dans la production de l’argent.

Les métaux précieux ne sont donc pas préside manquer. L’or et l’argent vont affluer encore, et comme à l’envi, du Nouveau-Monde vers l’ancien. Cette production toujours croissante sera-t-elle toujours absorbée ? Les besoins de luxe ou les exigences d’une circulation monétaire toujours plus active pourront-ils maintenir toujours constante la valeur de ces métaux, ou bien la saturation finira-t-elle par se produire, et l’or et l’argent sont-ils condamnés à être dépréciés par le fait d’une abondance croissante et d’une production à bon marché ? Questions fort importantes, et que la marche même des exploitations aurifères ne tardera point à poser.


P. LAUR.