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métal par tonne de sable, et tels sont les frais d’extraction que l’exploitation devient improductive dès que ce rendement s’abaisse à 2. millionièmes, soit 2 grammes d’or pour 1,000 kilogrammes de sable. Ces chiffres prouvent que, pour extraire 1 kilogramme de métal, il faut en moyenne générale en dépenser 400 grammes.

Supposons maintenant que, toutes choses restant d’ailleurs égales, on puisse appliquer dans les vallées de l’Altaï les nouvelles méthodes de travail inventées sur les placers de la Sierra-Nevada californienne ; les alluvions rendant 2 grammes d’or à la tonne, qu’on doit abandonner aujourd’hui comme trop pauvres, seraient aussitôt exploitées à, très grand bénéfice, car les méthodes californiennes, agissant dans toute leur puissance, peuvent élaborer sans perte des minerais qui ne rendent que 5 grammes d’or pour 100 tonnes de sable. Toutes les terres dont la teneur est comprise entre ces deux termes, 2 grammes d’or pour 1,000 tonnes et 5 grammes pour 100,000 kilogrammes, lesquelles sont aujourd’hui laissées comme stériles, entreraient en production, et nul doute que la masse de ces minerais ne soit fort grande et que l’extraction de l’or ne reçoive de ce chef seul un très grand accroissement. Les anciennes exploitations produiraient toujours 5 grammes d’or par 1,000 kilogrammes de sables lavés ; mais, au lieu de dépenser pour cette production 2 grammes du précieux métal, elles n’en dépenseraient que 5 centigrammes. Le kilogramme d’or, au lieu de coûter 400 grammes de fin, ne coûterait plus que 10 grammes, quarante fois moins.

Ces exemples pourraient être bien multipliés, on pourrait comparer les méthodes de l’orpailleur du Rhin, celles du laveur d’or du Brésil, du Chili, du Pérou, au travail du sluice, à l’exploitation au jet d’eau des mineurs californiens, et l’on verrait que l’emploi des nouveaux procédés aurait pour effet d’accroître la production en élargissant le champ des minerais exploitables avec profit, et d’amoindrir les dépenses de l’extraction. Il est donc permis d’affirmer qu’à l’avenir, et dans toutes les mines du monde, l’or doit être produit en plus grande abondance et à meilleur marché que par le passé, sans que l’on puisse, à raison de l’infinie variété des gisemens, assigner un terme à cette production, ou fixer un prix de revient final vers lequel doive converger la valeur du précieux métal.

Tel a été le rôle de la Californie. Non-seulement elle a produit l’or, elle a encore révélé au monde entier les meilleurs moyens de l’extraire. Par l’effet d’une découverte toute fortuite, on la vit entrer en scène de la façon la plus éclatante, et arriver bientôt à produire à elle seule presque autant d’or que le reste du globe[1]). La

  1. Avant 1848, toutes les mines d’or d’Europe, d’Afrique et d’Amérique produisaient ensemble 247 millions par année environ. En 1851, la production de la Californie seule a été de 228 millions.