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Les mineurs de la Nevada ont appelé à leur aide la puissance de grandes masses d’eau. Ces eaux, ils les ont demandées aux neiges qui, pendant six mois de l’année, couronnent cette chaîne, aux lacs qui les avoisinent, aux torrens qui y prennent leur source. Ils les ont recueillies dans d’immenses bassins de retenue, et, les conduisant à grands frais par des canaux, des tunnels, des aqueducs[1], à travers la région si bouleversée des montagnes, les ont distribuées par mille rigoles secondaires sur les plateaux aurifères. L’ensemble de tous ces canaux, grands ou petits, pour toute la Californie, a une longueur totale supérieure à 8,000 kilomètres. Les eaux arrivent sur le placer portées par un canal construit à la plus grande hauteur possible, jusqu’au bord même de l’exploitation à desservir. Au pied de l’aqueduc s’ouvre donc le vide des excavations passées. Le terrain aurifère y est coupé à pic du sommet à la base, depuis l’herbe du sol jusqu’au vif de la roche sous-jacente. Cette coupure droite se déploie comme une muraille immense, haute de 40 ou 50 mètres, longue de plusieurs milliers de mètres, au pied de laquelle s’échelonnent de distance en distance les chantiers d’abatage de la masse alluviale. Cet abatage se fait au moyen de véritables batteries hydrauliques. L’eau du canal supérieur, reçue par une large conduite en tôle, descend toute la hauteur de la tranchée, s’anime ainsi par une chute de 40 à 50 mètres, et, arrivant à un tube final d’étroite ouverture, jaillit en un jet puissant qui, dirigé par le mineur, sape à son gré le mur de gravier, ou, battant la surface droite de ce mur, en détache d’immenses éboulemens.

Trois jets sont nécessaires pour produire le maximum d’effet. Les sables semblent se liquéfier sous le choc des gerbes d’eau qui les inondent. Un torrent de boues et de galets prend naissance au pied même de l’escarpement, et, reçu par des rigoles convenables, s’engouffre dans une galerie souterraine où de longs et larges sluices en réglementent le cours. L’or se sépare peu à peu du torrent boueux qui l’entraîne, il gagne le fond, y adhère, y trouvant du mercure, tandis que les terres stériles suivent leur chemin et vont dégorger au loin dans le creux de quelque vallée profonde où les galets s’entassent jusqu’aux crues du prochain hiver.

Telle est en principe la méthode d’exploitation des terrains aurifères des placers montagneux de la Nevada. Voici maintenant les résultats. Je citerai ceux qui sont obtenus sur un chantier largement installé, celui d’Euréka, près de San-Juan. En ce lieu, l’alluvion aurifère mesure 43 mètres de puissance ; l’exploitation dispose de quatre jets d’eau débitant ensemble 15,000 mètres cubes d’eau par

  1. Ces aqueducs sont tous construits en charpente.