Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/464

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par une exploitation désordonnée plutôt que réellement épuisés par un travail sagement conduit, avaient bientôt cessé de rendre au mineur le prix de ses efforts ; mais restaient les terrains d’alluvions d’origine ancienne, les veines, les filons, les roches aurifères, réserve bien autrement puissante du précieux métal.

Certes il n’avait pas été difficile au mineur d’observer qu’en dehors du lit des rivières, sur le couronnement même des vallées et bien loin dans l’intérieur des terres, s’étendaient des nappes puissantes de sables et de graviers où il y avait de l’or. De même il avait sans doute bientôt remarqué que cette roche blanche et dure, le quartz, qui partout suivait l’or dans les rivières, on la trouvait en certains lieux toute pénétrée du brillant métal, formant dans le roc vif tantôt des veines minces, mais serrées et nombreuses, tantôt de puissans filons larges de 4 ou 5 mètres, qui, dressant leur crête au-dessus du sol, couraient comme de gigantesques murailles sur des distances de 15 à 20 kilomètres. Un champ d’exploitation immense s’ouvrait donc ; mais comment retirer l’or de ces fouilles sans eaux (dry diggins) qu’il fallait ouvrir sur le haut des collines, et par quels moyens broyer la roche si dure des filons, en broyer assez pour gagner un peu d’or ?

C’est alors que l’esprit d’invention fut appelé à intervenir là où régnait jusqu’alors l’esprit d’aventure. Au milieu d’un confus assemblage d’hommes de toute origine, le travail s’organisa bien vite par la seule puissance de l’intérêt privé. Le mineur isolé devint bientôt une rare exception ; de tous côtés se formèrent des associations qui, chacune à son gré, prenaient charge d’une portion de la tâche commune. Les uns ouvraient des routes, bâtissaient des ponts, construisaient des moulins, montaient des scieries ; les autres barraient les rivières, creusaient des canaux, et distribuaient aux mineurs, à tant la mesure, l’eau qui manquait à leurs chantiers de lavage ; un plus petit nombre s’attaquaient aux roches des filons, faisaient venir à grands frais de Londres ou de New-York des machines à broyer les minerais ; tous rivalisaient d’audace et d’énergie, et chaque jour voyait s’accroître les moyens de travail qu’appelait à son aide l’industrie du mineur.

Le premier outil de lavage avait été la battée[1]. Le mineur pouvait laver 400 kilogrammes de sable tout au plus dans une journée, mais il trouvait alors des terres rendant 4 ou 500 francs d’or au mètre cube ; il faisait ainsi 125 ou 130 francs d’or par jour. Après la battée vint le rocker[2], avec lequel le mineur pouvait laver

  1. La battée est un grand plat de tôle ou bien de bois que le mineur remplit de terre, et qu’il agite dans l’eau de façon à rejeter les sables et à retenir l’or.
  2. Le rocker est un petit coffre sans couvercle, plus long que large, ouvert sur l’un de ses petits côtés, et à fond garni d’une toile grossière. Ce coffre est incliné vers le côté ouvert ; il peut osciller comme un berceau d’enfant. Sur ce coffre ainsi ouvert, on met une grille, et sur la grille on charge les terres aurifères qu’on arrose d’eau en berçant l’appareil. Les gros graviers restent sur la grille, les boues et les sables passent au travers, tombent sur le fond et s’écoulent au dehors, tandis que l’or, reste retenu par la toile du fond.