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de le faire nommer membre du directoire du département, emploi plus élevé dans l’ordre hiérarchique, mais en réalité bien moins important, et qui ne. lui laissait aucune action directe et décisive.

Dans une séance de la société des jacobins d’Arras, au mois de décembre 1792, au moment où l’on préparait le procès de Louis XVI, Le Bon plaida la cause du roi, en ce sens qu’il, soutint que ce prince avait encouru seulement la déchéance. Les jacobins lui reprochaient, dans le jargon du temps, de brissoter l’opinion publique, c’est-à-dire d’essayer de la diriger dans le sens de Brissot et des girondins, et aussi d’être le suppôt de l’aristocratie bourgeoise, de faire par ses pasquinades une impression plus forte que tous les raisonnemens qu’on lui opposait. Telle était encore la nuance de ses opinions au commencement de 1793, au moment fatal du 21 janvier. Six mois plus tard, il fut appelé à prendre place sur les bancs de la convention pour remplacer un des députés de son département qui, après la journée du 31 mai et l’expulsion des girondins, avait donné sa démission. Ce n’était pas sans hésitation que Le Bon s’était soumis aux résultats de cette funeste journée. Il avait même, pendant que la crise se préparait, essayé de décider la société populaire d’Arras à voter une adresse à la convention pour l’inviter à se faire remplacer par une autre assemblée, s’il lui était impossible de sauver autrement la patrie. Malheureusement il ne persévéra pas dans cette voie, et, comme tant d’autres, il crut devoir adhérer au fait accompli. Entrer à la convention dans de telles conjonctures, c’était accepter la solidarité des illégalités et des crimes déjà commis. Cependant rien ne parut d’abord indiquer que Le Bon voulût s’associer aux excès de la montagne. Les premières fois qu’il prit la parole, ce fut sur des questions bien étrangères aux passions du moment, l’extinction de la mendicité et l’instruction publique. Bientôt après il parla en faveur d’un de ses collègues menacé de mort par l’application qu’on voulait lui faire d’une loi contre les accapareurs, parce qu’on avait trouvé chez lui plusieurs pièces de rhum, et il fut assez heureux pour faire voter l’ordre du jour. Il contribua aussi à faire annuler un arrêté du département de la Haute-Garonne qui obligeait tous les possesseurs d’or ou d’argent en espèces ou en lingots à les échanger contre des assignats.

Le 9 août, un décret de la convention le chargea, conjointement avec André Dumont, d’une mission extraordinaire dans le département de la Somme et dans les villes de Boulogne et de Montreuil. Avant même d’être arrivé à sa destination et en traversant la ville de Saint-Pol, sur laquelle ne s’étendaient pas ses pouvoirs, il trouva la population sous les armes et à la poursuite d’un rassemblement qui s’était formé non loin de là, dans les bois, comme pour commencer une autre Vendée. Il se rendit en toute hâte auprès des représentans