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le lendemain revenir sur cette résolution précipitée ; mais on ne le lui permit pas, et une lettre froide, presque injurieuse, du supérieur, naguère si bienveillant pour lui, vint bientôt lui apprendre qu’il avait définitivement cessé de faire partie de l’Oratoire.

En rapportant cet incident, qui constitue une phase importante dans la vie de Joseph Le Bon, son fils, que nous verrons bientôt apprécier avec tant d’indulgence des actes d’une tout autre gravité, me semble le juger avec une grande sévérité. Parlant du mouvement d’irritation auquel le jeune professeur se laissa entraîner après avoir ramené ses élèves, il s’écrie : « Éclat funeste, paroles à jamais regrettables, et contre lesquelles protestait sa vie tout entière ! » Je dois dire qu’en cette circonstance le tort de Le Bon, suivi d’un si prompt repentir, me paraît bien léger. Ce qui est digne de remarque, c’est que la rigueur avec laquelle il se voyait repoussé par ses confrères, en affligeant son cœur, ne paraît pas l’avoir irrité, ni altéré l’affection qu’il leur portait. La correspondance qu’il continuait à entretenir avec MM. Millié et Masson ne laisse aucun doute sur ce qui se passait au fond de son âme. Ébranlés comme lui par l’influence de la révolution, leur premier mouvement, en apprenant ce qui venait de lui arriver, avait été de sortir aussi de l’Oratoire, qu’en effet ils ne tardèrent pas à quitter. Il mit tous ses soins à les y retenir. « Je bénis le ciel, leur écrivait-il, de ce qu’il a mis obstacle à votre premier dessein. Si vous l’aviez exécuté, c’est alors seulement que je me serais cru malheureux, car ne vous imaginez pas que j’appelle malheur la position où je me trouve (en ce moment il était encore en instance pour obtenir de rentrer dans l’institution). Seul avec Dieu et ma conscience, je n’en sens que mieux ce que je vous ai répété souvent : que la vertu est le premier des biens, et que la fortune n’a aucune prise sur un chrétien véritable. Tranquillisez-vous… Je rentrerai ou je ne rentrerai pas, je suis également disposé à l’un et à l’autre parti ; mais, quelle que soit la décision des pères du conseil, elle n’altérera jamais les sentimens de tendresse dont je suis pénétré pour vous. Je le serai de même toute ma vie pour une congrégation où j’ai puisé les principes de la justice et de la sagesse. Je ne saurais en vouloir aux hommes de ce qu’ils ne m’ont point connu. Imitez en cela mon exemple, mes chers enfans, et souvenez-vous que dans tous les temps les hommes vertueux ont été en butte aux persécutions… »

Quelques jours après, l’exclusion, de Le Bon étant devenue définitive, ses sentimens n’en restaient pas moins les mêmes. Voici ce qu’il écrivait au jeune Masson :

« De quel chagrin venez-vous accabler un père qui vous aime ! Voulez-vous donc faire entièrement triompher mes ennemis en vous conduisant