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an sur Joseph Le Bon. Ce livre, peu volumineux, se compose d’un récit assez succinct de la vie du célèbre conventionnel, auquel on a joint, avec quelques documens relatifs à son procès, un nombre considérable de lettres écrites par lui à diverses époques. Comme l’indique le titre, l’auteur est le fils même de Joseph Le Bon, son fils posthume, et le but qu’il s’est proposé, c’est de laver la mémoire de son père des accusations sous lesquelles on l’a accablé, de montrer en lui un modèle immaculé de vertu, de dévouement patriotique immolé de la manière la plus barbare par une odieuse réaction. Un fils défendant la mémoire de son père mort sur l’échafaud a droit à beaucoup d’indulgence : bien des choses peuvent s’expliquer par le sentiment qui l’anime. Néanmoins on a quelque peine à concevoir qu’un magistrat estimable, tel qu’on s’accorde à présenter M. Emile Le Bon, tel que le montrent d’ailleurs plusieurs passages de son livre, ait pu entreprendre de soutenir une pareille thèse. Joseph Le Bon en effet n’est pas une des figures les moins effrayantes du pandœmonium révolutionnaire. S’il n’y a pas joué un rôle principal, si son action a été peu importante dans les débats de la convention, où il n’a siégé que peu de temps, peu d’hommes parmi ceux qui se sont rendus les instrumens des fureurs du comité de salut public ont laissé un nom aussi abhorré. Dans la réaction qui suivit le 9 thermidor et qui frappa un si grand nombre de terroristes, la plupart tombèrent sous des accusations purement politiques ; quelques-uns seulement ont péri comme des criminels ordinaires, après une longue procédure, pour expier des actes dont la férocité dépassait même la mesure déjà si terrible qu’autorisait l’affreuse légalité de cette époque. De ces derniers, les trois plus marquans sont Carrier, Fouquier-Tinville et Joseph Le Bon. Tandis que Danton, Saint-Just, Robespierre lui-même, ont trouvé des défenseurs, personne que je sache n’avait jusqu’à présent imaginé de se constituer l’avocat de ces hommes si unanimement réprouvés, et ils paraissaient être, avec quelques autres moins fameux, les boucs émissaires de la révolution. Serait-il vrai, comme le prétend le nouvel apologiste de Joseph Le Bon, qu’on l’a compris à tort dans cette catégorie proscrite, qu’il faut voir en lui, non pas un des bourreaux, mais une des victimes de cette sinistre époque, que l’humanité et la modération étaient les traits distinctifs de son caractère, non moins que le patriotisme, le dévouement, le désintéressement, et que l’opinion publique, qui a voué son souvenir à une sanglante infamie, a été induite en erreur ? Serait-il vrai que le jour n’est pas loin où les « Français entièrement revenus à la loyauté, à la générosité de leur nature, aimeront mieux lui tenir compte des services éminens qu’il a rendus, du salut de la patrie qu’il a assuré, que de