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D’un côté la législation demeurait vague et incohérente ; on avait à se gouverner entre divers bills dont les textes se donnaient des démentis. D’un autre côté, on avait à lutter contre des défiances enracinées et une malveillance portée jusqu’à la passion. Le comité du conseil privé, chargé de régler les services, n’a donc marché, à ses débuts surtout, qu’environné de pièges. Qu’il agît ou qu’il s’abstint, le blâme n’en persistait pas moins. Y a-t-il lieu de s’étonner que devant ce déchaînement extérieur il n’ait pas toujours eu l’esprit libre, la main heureuse ; le talent de se garder ou de se déterminer à propos ? Tantôt il hésitait devant les clameurs, tantôt il cédait aux obsessions ; de là quelques fausses mesures sur lesquelles il a fallu revenir, comme aussi des excès de précautions pour couvrir les points vulnérables. La tâche était d’ailleurs des plus ingrates. Le conseil privé ne pouvait s’imposer aux écoles, ni les soumettre à un traitement commun, puisque l’option leur était permise. Il s’agissait de les gagner par des faveurs, et beaucoup résistaient. Même aujourd’hui, après une longue expérience, toutes les difficultés ne sont pas levées, et l’instrument dont l’état dispose a besoin d’être manié avec de grands ménagemens.

Ce qu’il y avait à redouter le plus à l’origine, c’était que l’action officielle, en s’emparant du terrain, n’affaiblît, n’étouffât l’action privée et volontaire. Le cœur humain a de ces singularités. L’intérêt que l’on prend aux choses est souvent en raison des sacrifices qu’elles coûtent : on s’y attache avec d’autant plus de chaleur qu’elles paraissent plus dépourvues ; on y tient moins dès qu’on s’y croit moins nécessaire. Ainsi les milliers de souscripteurs qui chaque année versaient leur tribut dans les caisses des écoles en devenaient par cela même les patrons officieux, y voyaient leur œuvre, et, placés sur les lieux, les enveloppaient pour ainsi dire d’une atmosphère de bienveillance. Les parens eux-mêmes sentaient que, dans ce concert d’efforts, le premier et le plus naturel devait venir d’eux, et que devant ces obligations librement consenties ils ne pouvaient décliner celles que le sang leur imposait. De là un certain scrupule à acquitter la rétribution scolaire, et plus elle était lourde, plus le père de famille était jaloux de savoir à quoi s’employait cet argent prélevé sur ses plaisirs ou ses besoins. La population ne restait donc ni indifférente ni étrangère au gouvernement de l’école ; l’argent et les conseils n’y étaient point ménagés. Cette émulation pour le bien prenait toutes les formes, dons en nature, leçons de professeurs libres, administration gratuite. Les localités renchérissaient l’une sur l’autre, soit par la modicité des droits, soit par la bonne installation des locaux ou le perfectionnement des méthodes. À l’envi, chacun dans sa sphère avait un rôle actif à jouer. En serait-il de même quand l’état aurait mis son empreinte sur l’institution,