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formelles. Singulière contradiction ! nulle part les hardiesses politiques ne sont poussées plus loin que dans les îles anglaises ; s’agit-il de tolérance religieuse, le langage devient timide, confus, hésitante L’esprit le plus libre se sent mal à l’aise sur ce terrain. La commission d’enquête reconnaît, il est vrai, qu’il est possible de concevoir, même de désirer un système moins exclusif que celui qui existe, et dans lequel on ne mêlerait à l’éducation séculière que les notions de morale communes à tous les âges de la chrétienté, sauf à réserver pour d’autres lieux et d’autres temps l’enseignement des dogmes particuliers. Cependant elle ajoute presque aussitôt que la disposition actuelle des esprits enlève à ce système toute chance de réussir en Angleterre. Ce n’est pas des familles que partiraient les résistances ; les classes populaires n’ont pas en général de bien vifs préjugés là-dessus. L’opposition viendrait de la petite noblesse des campagnes et des classes moyennes des villes, qui sont intraitables sur leurs dogmes respectifs et mettent une égale ardeur à les défendre et à les propager. Elles s’indigneraient à la pensée que le gouvernement pût employer les deniers publics à soudoyer les hérésies et devenir comme une trésorerie de l’impiété. Mieux vaudrait à leurs yeux briser l’instrument et supprimer les subventions. Les classes qui parlent ainsi sont à ménager ; leur droit de remontrance se fonde sur des largesses aux écoles qui dépassent de beaucoup celles de l’état. Si leur bourse ne s’ouvrait pas, ce ne serait plus 600,000 livres sterling qu’il s’agirait de mettre à la disposition du conseil privé, mais bien 2 millions de livres. L’objet est à considérer, et il a fallu maintenir ce qu’on appelle la clause de conscience pour les écoles qui reçoivent du trésor public des subsides ou des dons. Cette formalité est souvent dérisoire, témoin cette école israélite à laquelle il a suffi, pour être reconnue et secourue, de s’astreindre à lire à haute voix, une fois par jour, un seul verset de l’Ancien Testament. Quand les préjugés en arrivent là, ils sont bien près de rendre les armes. Pour amener la trêve, peut-être suffirait-il que l’inspection, dévolue jusqu’à présent au clergé, passât en partie du moins entre des mains séculières. La commission en exprime le vœu ; elle se prononce également pour une inspection sédentaire substituée à l’inspection ambulante qui est aujourd’hui en vigueur, et dans laquelle les choix se ressentent des surprises du premier moment. Ces réformes ne touchent, on le voit, qu’à des détails ; elles n’engagent pas le principe consacré dans notre enseignement, et pour lequel nous sommes en avance de l’Angleterre : protection à toutes les écoles sans distinction de croyances !

Si nos voisins ont tant de respect pour les opinions du clergé, c’est qu’il a noblement porté le poids du jour. Les écoles actuelles