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Devant ces deux opinions absolues, l’une qui ne veut pas que l’était se substitue aux devoirs et aux droits des familles et des localités, même dans des intentions généreuses, l’autre qui redoute que son intervention n’aboutisse à l’indifférence en matière de religion et la tient pour suspecte sur ce chef, les commissaires n’ont guère à proposer que des tempéramens et des palliatifs. Ils reconnaissent la valeur des objections et demandent seulement que la rigueur des principes fléchisse devant la puissance des faits. Comment se refuser à l’évidence ? Du côté des parens, tantôt c’est la volonté, tantôt ce sont les moyens qui manquent ; du côté des localités, c’est l’apathie ou l’insuffisance des ressources qui fait obstacle. Les enfans doivent-ils souffrir de ces causes de délaissement ? N’est-ce pas à l’état de leur tendre la main quand la famille et la paroisse semblent se démettre ? Pour les gens de labeur, c’est une lourde charge que l’école, charge directe par la rétribution, indirecte par le temps prélevé sur la main-d’œuvre. Dans le West-Riding, l’un des riches comtés de l’Angleterre, la rétribution scolaire est de trois deniers par semaine ; le nombre des élèves diminue sensiblement quand on la porte à quatre deniers. Pour 4 shillings de plus par an, les parens reculent devant la dépense et suppriment l’éducation comme trop onéreuse. Ils y sont conduits par un autre calcul. Dès l’âge de huit ans, le plus profitable pour la culture intellectuelle, l’enfant de la campagne peut gagner 1 shilling 1/2 par semaine, l’enfant des villes de 3 à 4 shillings. L’école n’enlevât-elle qu’un tiers de ce salaire, c’est dans le premier cas 26 shillings, dans le second cas 50 ou 65 shillings par an de déficit dans les recettes du ménage. Faut-il s’étonner que ce calcul soit déterminant, que des pères ignorans soient tentés de spéculer sur l’ignorance de leurs fils et ne se croient pas astreints à leur ménager, à force de privations, une condition meilleure que celle où ils ont eux-mêmes vécu ? Avec le temps sans doute et avec les lumières, cet égoïsme cédera, ces mœurs changeront ; mais, pour obtenir la moisson, il faut répandre la semence. Quant aux localités, plusieurs succombent sous le poids des charges ; elles ont leurs pauvres, leurs frais d’entretien, leurs dépenses spéciales : on n’en peut attendre que des efforts lents et hors de proportion avec les besoins. C’est donc à l’état qu’il faut recourir : la civilisation du pays, sa dignité, son honneur, sa sécurité, sont en jeu dans les progrès de l’éducation publique. Les commissaires en concluent que l’état ne pourrait, sans injure ni dommage, être dessaisi de ce grand intérêt ; ils sont d’avis que le conseil privé doit être maintenu dans ses fonctions sans en excéder la mesure et en se bornant à corriger quelques détails défectueux dans la pratique.

Au sujet des répugnances du clergé, leurs conclusions sont moins