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avec ombrage ce qui se fait en dehors de lui. les hommes n’y sont pour rien, c’est dans la force des choses. Ajoutons que ces procédés un peu militaires appliqués à l’enseignement ont leurs avantages, et entre autres les vertus de corps, d’unité d’efforts et de doctrines, le frein de la discipline, et, par la collation des grades, des garanties de capacité. On en tire, tout ce qu’il est permis de tirer de l’action publique en pleine concentration. En revanche, l’inconvénient de ce régime est d’énerver, quand il ne l’exclut pas, l’action locale et privée. C’est sur ce terrain que l’Angleterre rétablit l’équilibre à son profit. L’enseignement y jouit d’une entière liberté d’allures ; il est livré à ceux qui y ont un intérêt direct, l’individu, la paroisse, le comté ; l’état ne vient qu’après, par l’entremise du conseil privée chargé d’une répartition de subsides. Les attributions et la responsabilité suivent cet ordre, qui, est l’inverse du nôtre ; les écoles s’administrent, se soutiennent, ou par leurs ressources propres ou par des taxes locales ; le gouvernement les assiste sans peser sur elles. Point de pédagogie jetée dans un moule uniforme ; là, comme ailleurs, on a donné carrière à la variété ; des combinaisons et laissé les individus et les groupes maîtres de choisir ce qui leur convient. Il se peut qu’on n’arrive pas ainsi à une symétrie complète, qu’on rencontre quelques disparates ; mais on a plus de mouvement et plus de vie. L’inspiration personnelle et les influences ambiantes se concilient mal avec la dépendance, l’ardeur s’y éteint, la volonté s’y consume sans aliment : au lieu de mécanismes souples et multipliés, s’adaptant aux lieux et aux circonstances, on n’a plus qu’un mécanisme unique et rigide qui ne tient compte ni des uns ni des autres. Tel est le contraste qui existe, en matière d’instruction primaire, entre les institutions anglaises-et nos institutions. Peut-être y a-t-il à puiser dans les deux systèmes ce que chacun d’eux renferme de mieux éprouvé et de meilleur ; nos voisins, comme on va le voir, ont fait quelques pas dans cette voie.


I

Avant d’entrer dans les détails, il y a certaines réserves à faire. Dans les enquêtes qui ont lieu en France, enquêtes le plus souvent administratives, le sentiment qui domine est l’apologie. Il n’en saurait être autrement. Les questions se posent de supérieurs à inférieurs, et ceux-ci savent trop bien, ce qu’on attend d’eux pour broncher dans leurs réponses. Ils ne ménagent pas les excès de zèle, certains que de tous les griefs c’est celui qui leur sera le plus facilement pardonné. De là un faisceau de témoignages, qui aboutissent à cette conclusion, que tout est pour le mieux dans la meilleure