Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 43.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

provinciale et celle des états provinciaux portaient sur deux points : le nombre d’abord (au lieu de 56 représentans, la province en obtenait 144), ensuite l’élection immédiate ; on n’acceptait pas les nominations faites par le roi, et on n’attendait pas la sortie du premier tiers pour procéder à l’élection. Ces changemens n’avaient en eux-mêmes que peu d’importance, et ils n’auraient pas suffi, pour expliquer la résistance du Dauphiné, s’ils n’avaient couvert une autre question bien autrement grave, celle de la souveraineté. L’institution des assemblées provinciales émanait du roi, et celle des états, de la province elle-même. Ce qui acheva de donner à la démonstration du Dauphiné le caractère imposant qui frappa la France entière, ce fut l’unanimité.

Dès que l’arrêt du conseil fut connu, toutes les provinces réclamèrent la même constitution, quoique la plupart n’eussent pas historiquement les mêmes droits. Si le mot d’états provinciaux avait été prononcé dès l’origine, on l’aurait certainement repoussé comme entraînant l’ancienne distinction des ordres, ainsi que l’avait remarqué Turgot dans son mémoire de 1776. Le vieux mot venait de prendre un nouveau sens qui le rendait populaire. Necker comprit parfaitement qu’il était impossible de résister à ce mouvement d’opinion ; il accepta en principe la substitution des états provinciaux aux assemblées provinciales, et renvoya aux états-généraux leur organisation définitive.

Cependant les nouveaux états du Dauphiné, reconstitués d’après l’arrêt du conseil, se réunissaient au mois de novembre 1788. L’archevêque de Vienne fut élu président, et Mounier secrétaire. Quand vint le moment d’élire les députés de la province aux états-généraux, on n’attendit pas l’édit royal qui devait régler les formes du vote ; l’assemblée décida que chacun des trois ordres procéderait au choix d’un nombre d’adjoints égal à celui de ses membres, et que ces nouveaux électeurs se réuniraient aux états pour élire les députés. Cette forme intermédiaire, qui n’était ni l’élection par les états, ni celle par les bailliages, fut particulière au Dauphiné. Mounier fut élu le premier et par acclamation le 31 décembre, sur la proposition d’un membre de la noblesse, le chevalier de Murinais ; avec lui furent élus pour le tiers-état le protestant Barnave, pour le clergé l’archevêque de Vienne, et pour la noblesse MM. de Morges et de Virieu. Quand l’archevêque de Vienne se présenta à Versailles quelque temps après : « Ah ! voilà, dit en le voyant Louis XVI, l’archevêque qui a pacifié le Dauphiné. — Non, sire, répondit-il, c’est notre secrétaire qui a tout fait. »

Aux états-généraux, Mounier fut d’abord accueilli par les mêmes applaudissemens ; ce fut lui qui dicta les premières délibérations