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À cette nouvelle, les deux chambres du clergé et de la noblesse des états de Franche-Comté se réunirent et protestèrent le 6 janvier 1789. Vingt-deux membres de la noblesse et neuf membres du clergé se séparèrent de leur ordre et prirent une délibération à part pour adhérer aux ordres du roi. Parmi les vingt-deux gentilshommes qui se prononçaient ainsi pour l’abolition des privilèges figuraient le prince de Saint-Mauris[1], colonel du régiment de Monsieur et grand-bailli de Besançon, le marquis et le vicomte de Toulongeon, deux frères qui furent nommés plus tard aux états-généraux, le célèbre ingénieur d’Arçon, qui avait inventé en 1780 les batteries flottantes pour le siège de Gibraltar, Terrier de Montciel, qui fut en 1792 un des derniers ministres de Louis XVI, le marquis de Lezay-Marnésia, qui cultivait les lettres et l’agriculture dans son château de Saint-Julien, près de Lons-le-Saulnier, et qui venait de publier une brochure sur la suppression des corvées et le rétablissement des états provinciaux, le marquis de Grammont, un des cinq gendres du duc d’Ayen et par conséquent un des beaux-frères du général Lafayette, etc. Le prince de Montbarey, ancien ministre de la guerre, père du prince de Saint-Mauris, était présent ; mais il s’abstint de prendre parti, alléguant sa qualité de ministre d’état. En tête des dissidens du clergé se plaça M. Seguin, chanoine du chapitre de Besançon, qui fut plus tard évoque métropolitain de l’est en remplacement de M. de Durfort, démissionnaire pour refus de serment, puis député à la convention et au conseil des cinq-cents.

Le parlement se réunit aussitôt, et un arrêt du 12 janvier 1789 ordonna la suppression des deux délibérations qui, n’ayant pu être consignées sur le registre des états, avaient été déposées chez un notaire. Un officier du parlement se rendit chez le notaire détenteur et enleva la minute des deux actes. Les membres de la noblesse et du clergé qui n’avaient commis d’autre crime que de se déclarer prêts à obéir au roi s’adressèrent à Versailles ; l’arrêt du parlement fut cassé par un arrêt du conseil du 21 janvier. « Sa majesté, y était-il dit, déclare qu’elle honore de son approbation spéciale les motifs d’amour, d’obéissance et de zèle qui ont dicté ces deux déclarations, et pour donner aux membres des deux ordres qui les ont souscrites une marque authentique de sa satisfaction, veut sa majesté que le contenu desdites déclarations soit annexé au présent arrêt, et qu’il soit imprimé et affiché partout où besoin sera. »

Cette division des deux premiers ordres, cette lutte ouverte du parlement contre la volonté royale, redoublèrent la fermentation.

  1. Ou Saint-Maurice. Tous les documens du temps portent Saint-Mauris, mais le véritable nom paraît être Saint-Maurice.